L’auteur invité est Pierre J. Hamel, professeur à l’INRS-Urbanisation.
Dans Le Devoir du mardi 28 décembre, sous le titre « Les PPP ont le dos large », Paul G. Brunet me reproche de mener « une charge à fond de train contre les PPP ».
Comme je suis nommément mis en cause, que les lecteurs souffrent cette autopromotion : je les inviterais à jeter un coup d’œil sur un rapport récent (2010) — Un hôpital en PPP — où j’insiste, encore plus explicitement que dans le rapport consacré aux PPP dans les municipalités (2007), sur les limites indépassables d’une tentative d’évaluation de la formule PPP (on trouve facilement les deux rapports en ligne en cherchant avec les mots : Hamel INRS PPP).
J’ai souvent écrit qu’il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de faire, en bonne et due forme, une évaluation comparative des avantages et inconvénients de la formule des partenariats public-privé et de ceux du mode traditionnel.
Les projets vraiment comparables sont peu nombreux et les informations de base font souvent défaut.
Surtout, il est prématuré de tenter une évaluation complète des PPP, car même les tout premiers PPP anglais n’en sont pas encore au tiers de la durée de leur contrat. Il est néanmoins possible de glaner des observations qui permettent de dresser quelques constats intérimaires.
1) Les PPP ne sont très certainement pas meilleur marché que le mode traditionnel. Selon les vérificateurs généraux au Québec, en Ontario, en France ou en Angleterre, il est faux de prétendre que les PPP sont financièrement avantageux, que ce soit pour l’investissement initial ou pour l’estimation des frais de fonctionnement ou des investissements subséquents. Et c’est le seul point qui soit presque certain : en fin de compte, ce sera plus cher.
2) Il est faux de prétendre que le partenaire privé assume les risques les plus importants : ils demeurent immanquablement à la charge du public. Certes, le privé prend en charge les risques « normaux », comme c’est de toute façon le cas pour pratiquement n’importe quel chantier, mais c’est toujours le public qui se retrouve à payer pour les vrais problèmes, « extraordinaires », comme lors de la faillite du plus gros PPP du monde (Metronet, métro de Londres), ou comme pour les multiples « surprises » qui agrémentent nombre de PPP. Le tout premier PPP québécois a d’ailleurs débuté en grand en présentant, en cours de chantier, deux factures inattendues; pourtant, lors de la cérémonie officielle de signature du contrat de PPP relatif au prolongement de l’autoroute 25 en septembre 2007, les ministres présentes et le porte-parole du consortium avaient beaucoup insisté sur la « garantie blindée » contre les mauvaises surprises… Les premières mauvaises surprises sont survenues deux ans plus tard et l’augmentation s’est chiffrée à plus de 10 % du total (notamment à cause d’une mauvaise estimation du volume de sols contaminés à traiter).
3) Comme ce sont de très « grosses bouchées », il est clair que les PPP ne favorisent pas la concurrence et qu’ils ne constituent pas la meilleure formule pour éviter la collusion.
4) Manifestement, PPP et souplesse sont parfaitement antinomiques.
Le manque de recul constitue le principal problème pour une évaluation globale qui respecterait les règles de l’art : même en Angleterre, les PPP ne fonctionnent que depuis le début des années 2000 et on ne connaîtra la fin de l’histoire… qu’à la fin(!). Même si tout jugement définitif est prématuré, les observations qui s’accumulent devraient nous inciter à la plus grande prudence.
Post scriptum
Souvent cité en exemple des dérapages du mode traditionnel, le projet du prolongement du métro vers Laval a été mené à terme à un coût en réalité tout à fait raisonnable : le coût réel au kilomètre s’est avéré très proche de l’estimation, et ce coût est très étroitement comparable aux coûts constatés ailleurs sur la planète pour des prolongements de lignes de métro similaires réalisés au cours de la même période.
Seul petit détail bête, mais ô combien affligeant, quelqu’un ou quelqu’une avait mal calculé la distance, de sorte qu’on avait multiplié le bon coût au kilomètre, mais par le mauvais nombre de kilomètres. Je me souviens que, l’après-midi même de l’annonce, une géographe de l’INRS avait fait la tournée des bureaux pour montrer, cartes à l’appui, qu’une stupide erreur de cartographie élémentaire (non-respect de l’échelle sur toute la distance) avait conduit à cette sous-estimation qui continuera à hanter jusqu’à la fin des temps ce projet utile, beau, bien fait et à bon compte.
On peut lire le texte sur le site de l’Aut’Journal
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