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Le samedi 23 avril 2022

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Dettes européennes : 4 façons de sortir de la crise

L’auteur invité est Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint à Alternatives Economiques

Face aux problèmes d’endettement des pays périphériques de la zone euro, quatre scénarios possibles de sorties de crise sont actuellement évoqués : rééchelonner les créances, faire acheter les dettes par les banques centrales, procéder à un effacement partiel des créances, mutualiser la dette au niveau européen. Lequel serait le meilleur ?

Les 12 et 13 janvier derniers le Portugal et l’Espagne ont « réussi » à emprunter auprès des marchés financiers de quoi financer leur dette publique. Il faut dire qu’avec un taux de 6,7 %, les créanciers du Portugal ont de quoi se frotter les mains de trouver des titres qui rapportent autant… mais qui vont rendre le problème du remboursement d’autant plus difficile pour demain au cas où la croissance portugaise et européenne resterait atone trop longtemps. Il faut donc continuer à réfléchir aux moyens qui permettraient d’éviter des crises de la dette en Europe.

Rééchelonner la dette

Quatre scénarios sont actuellement proposés. Le premier consiste à simplement rééchelonner la dette des pays en difficulté : s’ils n’ont pas engrangé les ressources nécessaires pour rembourser leur dette à un moment donné, on leur prête de quoi passer l’échéance, en reportant le remboursement à plus tard. Les créanciers font le diagnostic que les pays ont des difficultés temporaires de remboursement – un problème de liquidité – mais qu’ils seront capables de rembourser à terme.

D’un côté, si c’est le pays est effectivement solvable, le cadeau fait aux créanciers est de taille : rien de tel qu’un prêt perpétuel où la dette court année après année et où les intérêts sont payés. Une véritable rente ! D’un autre côté, si le pays est insolvable du fait d’une croissance durablement atone qui obère ses recettes fiscales et l’empêche d’emprunter pour financer sa dette, alors rien n’est résolu.

Faire acheter la dette par les banques centrales

Une autre solution proposée est de sortir les pays des marchés. Puisque les crises de dettes viennent de la dépendance des Etats aux humeurs chaotiques des marchés, supprimons cette dépendance en faisant financer la dette publique par les banques centrales. C’est pour l’instant interdit par les traités européens mais il s’agit justement de revenir sur cette interdiction.

Selon les dernières statistiques disponibles d’Eurostat, la dette publique européenne s’établissait à la fin 2009 à environ 7000 milliards d’euros et selon les données de la BCE, la masse monétaire à environ 8000 milliards. Cela reviendrait donc à doubler la masse monétaire en circulation ! De plus, le fait que les banques centrales achètent la dette au lieu que ce soit des investisseurs privés ne règle pas le fond du problème : la BCE n’agirait pas à titre gratuit, il faudrait toujours payer les intérêts de la dette. Certes, à un taux sûrement moindre que ce que réclament les marchés pour les pays périphériques, mais les contraintes de remboursement seraient toujours là.

Le haircut

C’est comme cela que les financiers appellent un abandon partiel de créances. A partir du moment où une partie des problèmes de déficits publics proviennent du fait qu’il a fallu réparer les errements des systèmes financiers, il paraît normal que leurs acteurs contribuent à payer la note.

Forcer les investisseurs internationaux à ne pas être remboursés comporte a priori des inconvénients. Ils risquent de plus vouloir prêter à l’avenir. Mais on peut aussi penser qu’une fois les créances partiellement annulées, le pays est resolvabilisé et que c’est le moment de lui prêter. On augmente d’autant plus la probabilité de voir revenir les investisseurs que la faillite partielle du pays est organisée dans le cadre d’un mécanisme ordonné qui rassemble les créanciers privés, les autorités du pays en difficulté et les créanciers publics, européens ou multilatéraux comme le FMI.

Un autre risque est mis en avant, celui de recréer une crise bancaire. Les banques étant parmi les créanciers des Etats européens, si on les oblige à abandonner une partie de leur actif, elles seront fragilisées. De ce point de vue, les récentes estimations de Patrick Artus sont intéressantes. Il calcule le coût que représenterait un abandon de 25 % des créances sur les dettes publiques de l’Espagne, de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal. Résultat : 290 milliards d’euros, se répartissant de la manière suivante.

Banques Montants (Mds €)
Françaises 7
Allemandes 20
Grecques 14
Britanniques 4
Espagnoles 53

On ne connaît pas encore les résultats des banques françaises du 4ème trimestre 2010 mais on sait qu’elles ont fait en gros 11 milliards de profits en 2009 et que ce sera plus en 2010. Elles ont donc largement de quoi éponger un quart de leurs créances sur les 4 pays cités. Il faudrait regarder de près la situation des autres banques européennes.

Mutualiser les dettes de la zone euro

L’Europe a commencé à le faire. D’abord, un mécanisme européen de stabilité financière a été créé en mai 2010. Ouvert à l’ensemble des pays de l’Union, il est doté de 60 milliards d’euros sous la forme d’emprunts réalisés par la Commission européenne avec la garantie des Etats membres. En juin 2010, est venue s’y ajouter une Facilité européenne de stabilité financière (FESF) réservée aux membres de la zone euro et dotée d’une capacité d’emprunts, avec garantie des gouvernements en proportion de leur part dans le capital de la Banque centrale européenne (BCE), de 440 milliards d’euros.
L’étape d’après pourrait constituer à doter le FESF de plus de moyens et à lui permettre d’acheter des titres de la dette de pays en difficultés. L’étape suivante pourrait être de passer à l’émission d’obligations européennes, mutualisant les émissions de tous les pays. On en n’est pas là mais la réflexion fait son chemin.

De manière alternative, l’économiste Jacques Delpla propose une mutualisation des émissions de dette pour chaque pays jusqu’à 60 % de dette sur PIB (« obligations bleues ») et des émissions individuelles (« obligations rouges ») au-delà pour forcer les pays à adopter des politiques budgétaires limitant la progression de la dette. Le principe est intéressant mais le niveau de 60 % est inadapté. Les travaux de Rogoff et Reinhart signalent que les problèmes commencent à 90 % de dette / PIB et leur raisonnement est tellement emprunt de faiblesse qu’il est possible que de nombreux Etats puissent tenir durablement sans problème un niveau de dette / PIB plus élevé.

Ce qui amène à la véritable solution de maîtrise de la dette : permettre une reprise rapide de la croissance dans les pays touchés. Joseph Stiglitz propose une politique budgétaire crédible allant dans ce sens. Malheureusement, les Européens en restent encore à se tirer une balle dans le pied en répondant à leur problème de dette par la seule action coordonnée dont ils soient aujourd’hui capables : l’austérité généralisée.

Ce texte est tiré du blogue de Christian Chavagneux sur le site d’Alternatives Economiques

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