« Au niveau domestique, le gouvernement de Stephen Harper semble ambivalent face aux paradis fiscaux et aux riches qui ne paient pas d’impôt », aurait récemment souligné, Brigitte Alepin, comptable agréée et auteure du livre La crise fiscale qui vient - publié chez VLB Éditeur – lors du comité chargé de faire la lumière sur l’évasion fiscale et les comptes bancaires à l’étranger. C’est que dans son budget 2010, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a « ouvert le chemin aux contribuables canadiens qui souhaitent contourner l’imposition des profits tirés de la vente d’actions d’entreprises canadiennes ».
Le dernier budget Flaherty aurait en effet supprimé l’obligation qu’avait un vendeur d’un autre pays de verser jusqu’à 25 % du prix de vente de ces actions au gouvernement fédéral lorsque la vente est conclue avec un acheteur canadien, permettant ainsi aux riches contribuables canadiens de légalement éviter l’impôt sur la vente d’actions canadiennes en les faisant détenir par un intermédiaire résidant dans un paradis fiscal. Cette mesure, somme toute anodine, s’inscrit néanmoins dans une tendance forte de la philosophie fiscale des Conservateurs de baisser les taxes et les impôts, ce qui devrait ultimement mener à diminuer les dépenses de l’État.
Dans son livre La crise fiscale qui vient, Brigitte Alepin écrit que les problèmes de la Grèce, de l’Irlande et des États-Unis ne représentent que « le début d’une longue vague qui risque de frapper plusieurs pays, dont le Canada ». C’est évident que dans les années qui viennent, le gouvernement fédéral sera appelé à mettre en œuvre une politique de rigueur dont nous n’avons pas encore une idée bien arrêtée. C’est que, dans une période pré-électorale, on peut se demander si les Conservateurs peuvent réellement exprimer dans une politique budgétaire leur philosophie fiscale sans nuire à leur possibilité d’accéder à la majorité parlementaire. C’est une raison supplémentaire pour une élection hâtive, puisqu’ils ne peuvent pas remettre continuellement à plus tard le moment des vrais choix.
Mais, quoiqu’il en soit de l’agenda conservateur, Brigitte Alepin présente plusieurs situations problématiques qui font que tout serait en place pour un dérapage fiscal, parmi lesquelles on trouve : la défiscalisation (ou la déresponsabilisation) des entreprises, qui ont vu leur taux d’imposition passé de 29,9 à 15 % (à partir de l’an prochain); l’évasion fiscale qui continue à drainer des milliards de dollars des contribuables les plus riches; le pouvoir fiscal déraisonnable des fondations; enfin l’inaction du gouvernement fédéral dans le domaine environnemental qui devrait déboucher, tôt ou tard, sur une taxation verte beaucoup plus lourde ici qu’ailleurs dans le monde.
Mais Mme Alepin oublie aussi de mentionner un autre facteur encore plus important, mais du côté des dépenses : ce gouvernement travaille discrètement à nous mettre devant le fait accompli d’une structure de dépenses incompressibles, mais inscrite dans sa vision ultraconservatrice de l’État. C’est le chien de garde du budget fédéral qui le répète à satiété : les parlementaires fédéraux sont en train de perdre leur capacité à comprendre les mesures gouvernementales, de perdre le contrôle sur les dépenses du gouvernement, en raison de l’obsession des conservateurs pour la confidentialité. Le gouvernement conservateur, nous dit Kevin Page, refuse de fournir aux députés de l’information sur les estimations de coûts des lois qu’il fait adopter, citant en exemple les lois durcissant les peines de prison. La « Loi sur l’adéquation de la peine et du crime » pourrait faire gonfler les dépenses des services correctionnels d’un milliard de dollars par année pendant cinq ans, mais n’est pas pris en compte dans les prévisions budgétaires du gouvernement.
Et que dire des dépenses militaires ? Actuellement à 21 milliards $ par année, les dépenses militaires canadiennes sont appelées à connaître une croissance exponentielle dans la foulée du délire de grandeur militaire de ce gouvernement. Au cours des 20 prochaines années, les seules dépenses déjà approuvées par ce gouvernement devrait engloutir 490 milliards $ ! (voir le billet d’hier sur les Grands Enjeux)
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