Déclaration présentée par l’Internationale de l’éducation (IE), la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Internationale des services publics (ISP), organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du Conseil économique et social
De l’école au travail : positionner les femmes pour un travail décent dans l’économie de la connaissance
Introduction – Définir le contexte général du genre et du développement
Tous les pays du monde sont aujourd’hui confrontés au même défi, celui d’assurer une croissance durable dans un contexte de mondialisation où les connaissances technologiques et scientifiques sont des facteurs clés de progrès. Mais, compte tenu des inégalités au niveau mondial et national, ils abordent inévitablement ces défis à partir de points de départ très différents. En particulier, il faut dans de nombreux pays s’attaquer à des inégalités persistantes, dans les systèmes éducatifs, dans la transition entre le travail et l’emploi et dans la vie professionnelle. C’est pour cette raison que le mouvement syndical mondial, représenté auprès de la Commission de la condition de la femme (CSW) par l’IE, la CSI et l’ISP, est heureux de participer au dialogue politique crucial auprès de la CSW55, en s’axant sur les liens entre éducation et formation, notamment dans les domaines de la science et des technologies (S&T), et le monde du travail.
L’investissement dans tous les services publics de qualité est un moteur essentiel du développement. A cet égard, les syndicats sont extrêmement préoccupés par les restrictions budgétaires entreprises par les gouvernements pour répondre à la crise économique actuelle.
Ces mesures ont un impact négatif sur l’offre de services publics de qualité qui jouent un rôle essentiel dans l’éradication de la pauvreté en permettant aux femmes d’accéder aux soins de santé, à l’éducation et à un travail décent. Les investissements dans le secteur public et les ministères sociaux chargés du développement, du travail et de l’égalité des sexes devraient être accrus et non réduits en période de crise, si l’on veut réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et de l’Education pour toutes et tous (EPT).
Compte tenu de l’importance que l’éradication de la pauvreté et le développement durable, au sens large, revêtent pour le progrès économique et social, les syndicats estiment que la thématique des S&T dans la perspective de l’emploi des femmes doit être analysée dans le contexte plus large des inégalités structurelles qui privent les femmes, dans un certain nombre de pays et de secteurs, de la possibilité de participer pleinement à la vie économique et d’en bénéficier. L’importance essentielle de l’éducation des filles dans le développement des sociétés doit être reconnue. Il est bien établi que les exclusions et les discriminations commencent tôt, souvent au niveau de l’école, ou dans l’impossibilité d’y accéder. Ces phénomènes se poursuivent et s’accentuent tout au long du processus entre l’école et la vie professionnelle. Le statut économique, la localisation géographique, l’absence d’accès à des services publics de qualité, l’appartenance ethnique ou le handicap figurent parmi les multiples dimensions qui constituent la discrimination par le genre.
Dans de nombreux pays en voie de développement, en particulier en Afrique subsaharienne, les enfants ne sont pas en mesure d’acquérir les compétences de base en matière d’alphabétisation et de calcul. Ces pays ne réaliseront pas les objectifs OMD et EPT en matière de scolarisation primaire des petites filles. Certes, des stratégies d’amélioration de l’accès à l’éducation ont été mises en place. Elles ont permis d’accroître les chiffres d’inscription des filles et de réaliser un progrès dans le sens de l’égalité des sexes en matière d’achèvement du cycle d’enseignement primaire. Mais le taux d’abandon est encore important pour les filles dans un certain nombre de pays en voie de développement. 60% seulement de tous les enfants d’Afrique subsaharienne achèvent l’école primaire, les filles étant encore moins nombreuses que les garçons à le faire : pour elles, le chiffre n’est que de 55%. Il a été suggéré que cette différence pouvait s’expliquer notamment par les frais qui peuvent être imposés aux parents : en pareil cas, les parents ont davantage tendance à consacrer leurs ressources limitées à l’éducation de leurs fils plutôt qu’à celle de leurs filles : selon eux, en effet, ce dernier investissement ne profitera qu’à leurs beaux-fils et non à leur propre famille.
Jeter les bases d’une approche tenant compte de la dimension du genre à tous les niveaux éducatifs
Les taux de décrochage scolaire sont clairement associés à la pauvreté, tout comme le phénomène du travail des enfants, qui touche plus sévèrement les filles. En Inde, par exemple, 96% des enfants qui travaillent vivent dans des familles où le revenu par tête est inférieur à deux dollars par jour, et les jeunes filles représentent 42% des enfants qui travaillent. Les filles sont davantage exposées à des emplois à risque dans le secteur du divertissement, où elles peuvent être victimes de trafics, ou en tant que travailleuses domestiques, où l’on trouve la majorité des filles piégées dans le travail abusif des enfants. Des discriminations structurelles affectent également les filles dans les zones rurales, étant entendu que quelque 70% des femmes pauvres vivent dans ces zones et exercent un emploi faiblement rémunéré comme indépendantes ou comme salariées dans une ferme familiale, ou dans le secteur informel. Ces femmes peuvent difficilement se permettre de garder leurs enfants à l’école et, une fois encore, préfèrent que ce soient les filles qui viennent en aide à la famille.
En dépit des progrès louables dans le développement des systèmes éducatifs et la lutte contre les inégalités entre les sexes, dans la perspective des objectifs OMD et EPT, l’analyse qui précède montre que le développement doit encore relever des défis considérables. Les aborder de manière adéquate est essentiel pour jeter les bases du développement d’une éducation qui intègre la dimension du genre à tous les niveaux, y compris pour les S&T. En outre, lorsque des progrès satisfaisants sont enregistrés en matière de S&T, les écarts en matière de genre persistent et ces disparités doivent être combattues.
Dans certaines régions et pays (Amérique latine, Caraïbes, Afrique du Nord), les filles et les jeunes femmes affichent de bonnes performances en S&T au niveau secondaire et supérieur, surpassant même les garçons. Toutefois, des statistiques montrent que les filles et les jeunes femmes privilégient les sciences du vivant (médecine, biologie, biochimie), plutôt que les sciences de la physique, de l’ingénierie et l’informatique. Un certain nombre de facteurs contribuent à ces choix : les stéréotypes sexistes sur les parcours professionnels des hommes et des femmes, qui se reflètent souvent dans le matériel didactique, l’absence de soutien en faveur des programmes qui combattent ces stéréotypes et les discriminations dans l’éducation, et l’absence de modèles de référence pour les filles, qu’il s’agisse d’enseignantes en sciences et en technologie à tous les niveaux d’enseignement ou de femmes ayant fait carrière et exerçant des fonctions de direction dans le domaine des sciences et des technologies. […]
De l’école à un lieu de travail décent – Une approche holistique
Le fait que les femmes soient privées de la possibilité de participer pleinement aux domaines des S&T représente une perte de ressources précieuses et tout à fait nécessaires pour contribuer à la formation d’une économie de la connaissance qui inclue la dimension du genre et soit axée sur les personnes; c’est aussi un déni des droits fondamentaux des femmes. Afin d’être durables, les politiques qui abordent cette dimension de l’inégalité en matière de genre doivent opérer dans un cadre politique holistique qui entend relever tout l’éventail des défis du développement et des inégalités structurelles qui font obstacle à une transition aisée entre l’école et un travail décent.
Parvenir à une éducation de qualité est essentiel. Les politiques en faveur d’une éducation de qualité doivent être formulées autour de trois axes majeurs et en incluant la dimension du genre:
• Améliorer les programmes et les méthodes d’enseignement, afin de parvenir à une éducation de qualité pour toutes et tous, à un apprentissage tout au long de la vie et au monde du travail ; assurer une offre adéquate de manuels et de matériel pédagogique ; éliminer les stéréotypes voilés en matière de genre ; organiser pour les enseignantes et enseignants des formations de sensibilisation à la dimension du genre ;
• Améliorer l’environnement physique et matériel en termes de bâtiments conviviaux qui garantissent l’existence d’espaces sûrs pour les filles, y compris en termes d’installations sanitaires ; assurer une offre adéquate d’équipements techniques et de TI, et les rendre accessibles et attractifs pour les filles ;
• Améliorer le cadre enseignant en termes quantitatifs et qualitatifs, par un recrutement adéquat et des stratégies d’accueil et de rétention, comprenant des formations initiales et en cours d’emploi, des opportunités de développement de carrière et de promotion, une rémunération adéquate et l’élimination des inégalités en matière de salaire.
En outre, des politiques, des programmes et des campagnes doivent être lancés pour sensibiliser aux stéréotypes négatifs et pour les combattre, et pour encourager les filles à s’engager dans toutes les filières d’études, y compris les filières scientifiques et technologiques.
Créer un environnement favorable à l’accès des femmes au plein emploi et à un travail décent
L’accès à des services publics de qualité dans les domaines des soins de santé et de l’aide sociale, de l’accès à l’eau et à des sanitaires, de l’électricité, du carburant, de l’administration publique, de la formation professionnelle et de l’éducation permanente est un élément fondamental pour que les femmes accèdent à un plein emploi et à un travail décent. Une répartition inégale entre hommes et femmes des responsabilités et de la prise en charge au sein des ménages continue de limiter la pleine participation des femmes au marché du travail et leur accès à un travail décent et à des emplois stables et sûrs. La pleine participation des femmes au marché du travail est également limitée par des phénomènes de ségrégation. Les femmes, et en particulier les jeunes femmes, sont particulièrement exposées aux risques liés à un emploi précaire, temporaire ou occasionnel, généralement mal rémunéré et qui ne donne accès qu’à peu ou pas de protection sociale. Les mesures qui visent à assurer l’accès des femmes à un plein emploi et à un travail décent doivent éliminer ces insuffisances.
Conclusions – Appliquer une politique et un cadre normatif globaux
Le cadre politique et normatif qui peut sous-tendre un tel environnement permettant la réalisation d’une réelle égalité entre les genres existe déjà : toute la question est de l’appliquer.
Ce cadre comprend notamment :
• la Plate-forme d’action de Beijing, et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
• les Conventions clés de l’OIT : Convention de 1951 sur l’égalité de rémunération (n°100), Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) (n°111), Convention de 1981 sur les travailleuses et travailleurs ayant des responsabilités familiales (n°156), Convention de 2000 sur la protection de la maternité (n°183).
L’IE, la CSI et l’ISP appellent les Etats membres lors de la CSW55 à introduire ou à renforcer les mesures prises dans ce cadre politique et réglementaire en vue de surmonter les discriminations et les barrières structurelles qui hypothèquent les possibilités des filles et des femmes d’accéder à une éducation et à une formation adéquates, qui les préparent et leur donnent davantage de possibilités d’exercer un plein emploi productif et un travail décent. Il importe également que les responsables politiques instituent des procédures de consultation qui permettent un dialogue social avec les syndicats qui, grâce à leur expérience, peuvent grandement contribuer aux processus politiques renforçant le lien essentiel entre éducation, formation et travail décent. La négociation collective doit être utilisée comme un instrument clé de promotion des résultats de l’égalité des genres qui sont garantis par les conventions de l’OIT que l’on a citées précédemment, tels que l’égalité de rémunération, l’égalité des chances de promotion professionnelle, la protection de la maternité et le partage égal des responsabilités familiales.
On peut lire le texte au complet en allant sur le site web de la Confédération syndicale internationale (CSI).
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