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Le samedi 23 avril 2022

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Grèce : la grève générale avant l’explosion ?

L’auteur invité est Effy Tselikas, journaliste MyEurop.info.

Les grèves générales contre la cure d’austérité imposée par le gouvernement socialiste pour répondre aux exigences de l’Union européenne, de la BCE et du FMI, se multiplient en Grèce. La dernière en date, cette semaine, a été particulièrement violente. Mais face à une misère grandissante et des syndicats incapables de répondre à la colère, cette violence va s’amplifier. (Voir la vidéo)

Mercredi, les journaux grecs titraient : « La première grève générale de l’année », comme on signale un rendez-vous habituel. Tous les deux mois, après la visite des inspecteurs de la « troïka » (c’est ainsi que l’on surnomme en Grèce l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international) ou avant l’annonce d’une nouvelle mesure draconienne du gouvernement socialiste, le même rituel se met en place : les deux grandes centrales syndicales du pays, l’Adedy (public) et la Gsee (privé) organisent une grève générale.

Happening social

Leur défilé part de l’Ecole polytechnique, lieu emblématique de l’histoire du pays, tandis qu’au même moment, les membres du Pame, front syndicaliste communiste, démarrent en rangs serrés à un autre bout de la capitale. Tous se rejoignent sur la place centrale, où a lieu le grand happening.

La dernière fois, c’était avec, au loin, cette grande banderole adossée aux flancs de l’Acropole « Peuples d’Europe, soulevez-vous ». Cette fois-ci, juste devant la place du Parlement hellénique, une jeune fille symboliquement immolée sur un cercueil, surmonté d’un gigantesque panneau noir « Nous agonisons ».

Et bien sûr, pour que les images soient diffusées dans le monde entier, les inévitables incidents violents, jeunes activistes contre CRS mobiles, sur fond de scène enfumée par les cocktails Molotov et les gaz lacrymogènes. Puis tout le monde rentre chez soi. Rendez-vous à la prochaine, dans deux mois ?

Un Grec sur quatre sous le seuil de pauvreté

Ce scénario répétitif prêterait à sourire si la réalité grecque n’était pas tragique. Le PIB a reculé de 1,4 % au quatrième trimestre 2010 par rapport au troisième trimestre, le chômage affiche un taux record de 15 %, le coût de la vie est en hausse constante, du fait de la baisse des salaires et de l’augmentation des taxes impôts, l’inflation grimpe à 5 %, et la consommation s’effondre.

Un Grec sur quatre vit désormais sous le seuil de pauvreté (on commence à voir à Athènes des « cartoneros », phénomène caractéristique de la misère urbaine sud-américaine) et une majorité des jeunes (le plus fort taux de diplômés d’Europe) ne songe qu’à s’expatrier.

Face à cette réalité sans fard, les réponses des institutions politiques et sociales tournent en rond. Celles du gouvernement socialiste ont pour principal leitmotiv « ou nous vaincrons ou nous coulerons ». Il propose comme unique solution une privatisation à outrance des services publics.

Quant aux syndicats, leur rhétorique est usée jusqu’à la corde. Comme le discours prononcé par Giannis Panagopoulos, président de GSEE.

« Cette situation ne peut continuer. Le remède est pire que le mal. Il rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Nous demandons au gouvernement de stopper cette politique, de rendre aux retraités leurs treizième et quatorzième mois de retraite et de prendre des mesures immédiates pour juguler le chômage. Nous continuerons notre lutte car cette politique n’a pas d’avenir. »

Rage et impuissance

Tous les signes d’une mobilisation étaient là pourtant lors de la grève générale de mercredi dernier : participation plus massive que les derniers mois, salariés du public et du privé ensemble dans les rues de plusieurs villes du pays. De nombreux secteurs ont été touchés par la paralysie.

Aucun transport urbain, sauf le métro. Les médias ont observé une grève de 24 heures. Pharmacies, banques, cabinets avocats fermés. Nombre de vols ont été annulés du fait, notamment, de la grève des contrôleurs aériens. Les ferries sont restés à quai. Dans les hôpitaux, seules les urgences assuraient un service de garde tandis que les écoles n’ont accueilli aucun enfant. Répondant à l’appel de leur Union professionnelle, les commerçants ont gardé porte close, indiquant : « Nous fermons aujourd’hui pour ne pas fermer pour toujours. »

Et ce, dans un contexte très tendu de grèves quasi quotidiennes ces derniers mois.

Ce mécontentement de la population, face à la cure d’austérité imposée par un gouvernement considéré comme le pantin de la troïka, ne réussit finalement qu’à exprimer de la rage et de l’impuissance. Il peine à trouver une portée efficace, tant la société grecque reste encore trop engluée dans des entrelacs d’intérêts où tout le monde est « mouillé ».

Probable explosion

La crise n’a pas fait encore assez mal, le matelas de l’économie informelle ou la flexibilité de la main d’œuvre immigrée jouant encore le rôle d’amortisseur social. Cette « révolte » n’est pas suffisamment déterminée, surtout si on la compare avec ce qui se passe en ce moment de l’autre côté de la Méditerranée, pour peser dans la balance politique. Elle ne fait que répéter un scénario qui va finir par lasser et laisser la place à de véritables explosions.

L’apparence soft du mouvement des « Robins des consoles » (des groupes activistes qui envahissent par à coup des supermarchés et redistribuent les denrées aux démunis) ou celle des « Nous ne payons pas » (le mouvement de protestation ludique contre la hausse des péages ou des titres de transport) va laisser place à une vraie violence où les corps intermédiaires seront balayés. Et cette fois-ci, ce ne sera pas du chiqué.

Ce texte est tiré du site web Rue89

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