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Le samedi 23 avril 2022

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Un retour écologique à la croissance européenne

Les auteurs invités sont Carlo Jaeger, fondateur du Forum Européen pour le Climat et responsable de la recherche à l’Institut de Recherche sur l’impact climatique de Potsdam, et Roland Kupers, professeur invité à l’Université d’Oxford et un ancien cadre exécutif de la Royal Dutch Shell.

Modérer le changement climatique est souvent présenté comme un compromis imposé entre économie et environnement. Le débat se cantonne depuis trop longtemps au concept de « partage du fardeau ». Mais une nouvelle analyse produite par une équipe de six universités et instituts européens donne un nouvel éclairage sur ce débat et montre que l’Europe peut faire des choix qui sont dans ses meilleurs intérêts à la fois économiques et environnementaux.

L’analyse présentée dans notre nouveau rapport, A New Growth Path for Europe – Generating Prosperity and Jobs in the Low-Carbon Economy (Une Nouvelle voie de croissance pour l’Europe – produire prospérité et emplois dans une économie à faible empreinte carbone, ndt) est basée sur une évaluation complète des perspectives de croissance européenne au lendemain de la crise financière. Sa publication survient à un moment opportun, car l’Union Européenne doit décider cette année de l’éventualité d’accroître son objectif de réduction des gaz à effet de serre.

Augmenter les objectifs actuels de réduction des émissions de moins 20 à moins 30 % d’ici 2020 comparés à 1990 serait une importante opportunité de revitaliser l’économie européenne – indépendamment de ce que le reste du monde a fait en terme de politique climatique. Dans le courant de la décennie à venir, saisir cette opportunité augmenterait considérablement la taille de l’économie européenne – jusqu’à 5 % dans les dix années à venir. Cela se traduirait par six millions d’emplois supplémentaires et une augmentation du PIB qui pourrait atteindre 800 milliards d’euros d’ici 2020.

Ces chiffres s’expliquent très simplement : accentuer les efforts en matière de politique climatique en Europe relance les investissements, et nous encourage à apprendre par expérience, surtout lorsque ces efforts sont canalisés vers de nouvelles technologies comme les énergies renouvelables et les matériaux de construction de pointe. Cette expérience acquise a un effet bénéfique sur la compétitivité et la croissance économique, et par conséquent, sur les attentes des investisseurs – ce qui relance plus encore les investissements.

Malheureusement, les études de l’impact économique d’un objectif à moins 30 % ont, jusqu’à présent, été réalisées à partir de modèles d’équilibre traditionnels qui négligent ces effets multiplicateurs. Leurs estimations des conséquences économiques de l’augmentation de l’objectif entrainent des coûts additionnels modérés, de l’ordre de 0 à 2 % du PIB en 2020.

La nouvelle étude utilise une approche similaire à celle qui a servi à déterminer l’objectif de réduction des émissions de l’Allemagne à moins 40 % d’ici 2020. A la conférence des Nations Unies sur le changement climatique l’année dernière à Cancun au Mexique, le Ministre fédéral allemand de l’environnement Norbert Röttgen indiquait qu’ « en Allemagne, une évolution de la pensée s’est opérée ces dernières années : dans l’industrie, la politique, et la société, nous considérons désormais la politique climatique comme une opportunité et un défi, non comme une menace. »

Röttgen a raison. Imaginons une réunion d’entrepreneurs du textile en 1800 discutant de l’idée d’introduire des machines à vapeur pour mécaniser leurs filatures. L’un d’eux calcule que les coûts seraient prohibitifs pour leurs centaines d’usines. Si les autres avaient admis ce mode de calcul ascendant, la société n’aurait pas connu le sursaut de 0,5 % de croissance annuelle que cette innovation révolutionnaire a finalement apporté. Le bénéfice pour l’économie entière était supérieur à la somme des bénéfices de chacune des filatures.

Le crédit n’en revient pas uniquement à cette seule invention du moteur à vapeur. A l’époque, tout comme aujourd’hui, de telles avancées entrainent une cascade de connaissances et d’innovations, puisque tous les fournisseurs, les entrepreneurs, et les clients s’adaptent à une nouvelle manière de fonctionner. Chaque nouvelle idée technologique majeure – le moteur à vapeur, le train, et autres ordinateurs – constitue une stimulation pour la croissance.

A New Growth Path for Europe montre comment le fait d’investir dans l’efficacité énergétique et les énergies propres comporte les mêmes potentialités pour revitaliser l’Europe aujourd’hui. En effet, Josef Ackermann, Directeur de la Deutsche Bank, a récemment déclaré que de tels investissements augurent « d’une nouvelle révolution industrielle – une révolution qui transformera nos modes de vie. »

L’analyse montre comment tous les principaux secteurs économiques – y compris de nombreuses industries très consommatrices d’énergies – vont se développer. Par exemple, les bâtiments à faible consommation d’énergies sont une bénédiction pour les industries du ciment et de la chimie. A l’évidence, le secteur des énergies fossiles rétrécirait d’ici à 2020 au fur et à mesure de la diminution de l’empreinte carbone du système énergétique, et le charbon serait partiellement remplacé par des énergies à plus faible empreinte carbone, principalement le gaz et les énergies renouvelables (la capture et le stockage du carbone et l’énergie nucléaire ne peuvent faire une telle différence d’ici 2020). Les nouveaux membres de l’UE, qui ont une efficacité énergétique plus faible, seront parmi les plus grands bénéficiaires – même si de nombreux obstacles doivent être surmontés avec des mécanismes de soutien additionnels.

Parce que la crise financière a fait baisser les émissions de gaz à effet de serre, l’objectif de réduction de moins 20 % établi avant la crise n’est plus suffisant pour permettre de catalyser un changement structurel dans l’économie européenne. Et à l’heure où l’inquiétude des scientifiques se fait plus grande et qu’ils insistent sur l’urgence de s’attaquer au changement climatique, les économistes sont de plus en plus optimistes sur les opportunités induites par un avenir à faible empreinte carbone.
A New Growth Path for Europe soutient cet optimisme, et en appelle à l’Union Européenne pour agir en conséquence.

Ce texte est tiré du site Project Syndicate

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