Sous le couvert de la neutralité et d’une démarche scientifique établie, un sondage qui vient de paraître en France donne Marine Le Pen, la fille et remplaçante de l’ancien chef du Front national, en avance pour la présidentielle française de 2012. Les médias se sont bien évidemment déchainés sur la nouvelle et les cotes d’écoute et les exemplaires de journaux se sont vendus comme de petits pains chauds…

Or, quelques jours plus tard, le média en ligne Médiapart annonce que l’institut Harris Interactive, responsable du sondage, a dans les faits organisé un jeu-concours doté d’un prix de 7 000 euros pour attirer des participants au panel de ses deux sondages sur l’élection présidentielle de 2012. Réagissant à cette information, le groupe socialiste à l’Assemblée nationale a demandé qu’une proposition de loi commune de l’UMP et du PS, qui limiterait grandement les sondages peu sérieux répondant à des tentatives de manipulation politique à l’approche de l’élection présidentielle, déjà votée au Sénat, soit rapidement passée à l’Assemblée nationale. Mais la majorité sarkosienne a rejeté l’idée, démontrant bien que ce genre de sondages rend trop de services à trop de gens pour qu’on puisse s’en débarrasser si facilement.

Quoiqu’il en soit, selon le 2e sondage d’Harris Interactive, Marine Le Pen prendrait la première place au 1er tour de la présidentielle, avec 24 % des intentions de vote si Dominique Strauss-Kahn (23 %) était le candidat du PS. Nicolas Sarkozy, avec 21%, serait éliminé du second tour. Dans le premier sondage, la lepéniste faisait face à Martine Aubry comme candidate du PS. Jamais auparavant un candidat du parti d’extrême-droite n’avait été qualifié au second tour dans des enquêtes d’opinion, malgré le fait que Jean-Marie Le Pen s’était dans la réalité qualifié en 2002, en devançant Lionel Jospin (PS) au premier tour.

Selon un spécialiste des communications, Jacques Le Bohec, la croyance dans les sondages est bien intériorisée dans les médias. Il dénonce le fait que les journalistes invitent rarement des sociologues politiques qui disposent d’arguments solide montrant l’inanité scientifique des sondages bidons de l’industrie. Pour lui, les journalistes et politologues ont besoin des sondages, même frelatés, comme boussole pour couvrir l’actualité et la commenter à chaud parce qu’eux-mêmes n’ont pas grand-chose à dire !

Pour Le Bohec, le sondage qui donne Le Pen en avance a été réalisé via Internet, « c’est-à-dire en recourant à la pire des techniques qui existent puisqu’elle ne permet pas de s’assurer de la sincérité des réponses (d’à peu près rien d’ailleurs). Cette technique n’est là que pour pallier les contacts par téléphone (déjà plus que limites) et par face-à-face au domicile (plus fiables), qui atteignent des taux de refus de la sollicitation tels (90%) que les coûts de fabrication en deviennent exorbitants.[…] N’oublions pas qui possède (grands patrons, firmes étrangères) ces « instituts » qui sont à la science ce que les instituts de beauté sont à la médecine. »

Dans un prochain texte je reviendrai sur les raisons pour lesquelles il faudrait néanmoins craindre une avancée significative du vote pour l’extrême-droite en France.