L’auteure invitée est Josée Legault, journaliste.
Dur, dur de ne pas se taper une crise d’angoisse à la pensée de vieillir au Québec.
Pas pour tout le monde, bien sûr. Mais sûrement pour plusieurs Québécois parmi les deux tiers d’entre nous qui n’ont aucun régime de retraite de leur employeur, privé ou public. Ou encore, pour les trois Québécois sur quatre dépourvus du moindre REER.
Bref, la retraite risque d’être maigre pour ceux qui n’auront que les programmes gouvernementaux de soutien comme le Régime des rentes du Québec (RRQ), la pension de la Sécurité de la vieillesse ou le Supplément de revenu garanti du fédéral.
Car même combinés, on parle ici d’un maximum annuel de 20 000 $ (en dollars d’aujourd’hui).
Sans autres actifs, bien des Québécois âgés seront incapables de se payer des soins de santé ou à domicile de plus en plus privatisés. Sans parler de se donner un environnement de vie de qualité, que ce soit chez soi ou en « résidence ».
Comment feront aussi ceux qui vieilliront sans famille immédiate ou réseau de soutien? Comment feront tous ces « aidants naturels » auxquels l’État refuse d’accorder un soutien financier adéquat?
Le sujet n’est pas jojo. Désolée. Mais on ne s’en sort pas. Vieillir avec un minimum de qualité de vie, ça prend aussi les moyens de le faire.
Or, l’espérance de vie allonge et la proportion de personnes âgées augmente pendant que diminue celle des Québécois en âge de cotiser aux régimes de retraite publics.
En 2020, près de deux millions auront plus de 65 ans. En 2030, 3,8 % moins de Québécois seront en âge de travailler. Or, dans le reste du Canada, ils seront 5,5 % de plus à être en âge de travailler.
Pourtant, même si on vieillit plus actifs et en meilleure santé qu’avant et que le Québec n’est pas le seul État où espérer une belle retraite est un problème, il reste que proportionnellement, il y aura ici plus de retraités et moins de travailleurs que dans le reste du Canada.
Le risque est donc réel que de nombreux Québécois vieillissent dans des conditions financières précaires.
La manne
C’est pourquoi lors de son budget du 17 mars, le gouvernement Charest bonifiait enfin les cotisations des employeurs et des employés au Régime des rentes. C’est un peu tard, mais c’est déjà ça de pris.
Pour ceux dont le revenu annuel se situe entre les 20 000 $ et 60 000 $, mais qui n’ont aucun régime de retraite d’un employeur – ce qui inclut bien évidemment les travailleurs autonomes -, il proposait la mise en place de Régimes volontaires d’épargne-retraite (RVER).
À première vue, c’est séduisant. Le diable, par contre, est dans les détails…
Les employeurs seront obligés d’inscrire leurs employés qui n’ont pas de régime de retraite collectifs. Ces travailleurs cotiseront tout en ayant un droit de retrait.
Mais attention! Contrairement à ce qui se passe ailleurs où des programmes similaires existent, les employeurs, eux, ne seront pas tenus de cotiser! Une véritable aberration approuvée également par le PQ.
Résultat: ces travailleurs seront prisonniers d’une situation scandaleusement inéquitable par rapport aux régimes collectifs de retraite où les employeurs cotisent, où les risques financiers sont partagés et où les frais de gestion sont plus bas.
Et ce n’est pas tout. Ces RVER seront administrés par des institutions financières privées, du genre grosses compagnies d’assurances. Et elles seront choisies par les employeurs, même s’ils n’ont pas à cotiser! Cherchez l’erreur.
Bref, le gouvernement offre aux institutions privées une véritable manne de futurs clients servis sur un plateau d’argent! Encore une fois, le parti pris du gouvernement pour le privé éclipse tout.
Pas surprenant qu’Isabelle Hudon, présidente au Québec de la Sun Life, s’en réjouisse et demande que les RVER soient implantés « le plus rapidement possible ». Même ses compétiteurs n’en croient pas leur chance.
Le Devoir rapportait qu’elle est « heureuse de voir cette inscription automatique avec possibilité de retrait, car un système basé sur une inscription volontaire n’entraînerait pas autant de cotisants. Il est convenu que l’industrie a tout intérêt à maximiser le nombre de clients ». Sans blague…
Par contre, du côté de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, on est convaincu que comme ailleurs dans le monde, les employeurs finiront un jour par être « obligés » de cotiser aux RVER. Mais ça, ça relève du département du « qui vivra verra »…
Or, comme le proposait Jean-Robert Sansfaçon dans les pages du Devoir, il serait nettement plus sage de miser sur les régimes publics que l’on devrait capitaliser encore mieux.
Eh oui. Ces mêmes régimes où les employeurs n’ont pas « congé » de cotisation et où les travailleurs ne sont pas les seuls à casquer pour l’avenir.
Quant aux REER, comme le suggère Michel Girard de La Presse, on pourrait enfin accorder aux travailleurs à revenu moyen la même déduction fiscale de 48 % que ceux dont les revenus sont très élevés.
Parlant d’iniquité, comment se fait-il qu’avec un revenu imposable de 20 000 $, vous n’aurez que 285 $ de déduction par 1000 $ de REER que vous aurez épargné de peine et de misère, alors que ce sera 482 $ pour ceux qui gagnent plus de 130 000 $?
Faut croire que la classe moyenne continue d’être le dindon de la farce.
On peut lire le texte au complet en allant sur le site Voix publique.
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