Ce gouvernement est vraiment le champion toute catégorie pour le faux-semblant : donner l’impression d’être un gouvernement interventionniste, dans l’esprit du modèle québécois, alors que dans les faits il est un fervent partisan du laisser-faire et de la résignation du Québec face aux forces économiques dominantes. Le plan pour les véhicules électriques est à cet égard exemplaire.
Les 1500 – 5000 emplois prévus pour la filière, en dix ans, sont risibles : il est à peu près certain que, même sans aucune subvention, le poids actuel du secteur des équipements de transport terrestre (20 000 emplois) et le génie québécois dans ce domaine vont probablement permettre d’atteindre cet objectif par la force des choses. Les prochaines décennies vont être celles d’une révolution industrielle majeure, avec l’émergence de nouveaux secteurs industriels dédiés à la mobilité durable, et notre gouvernement vise un objectif tellement modeste que s’en est ridicule ! Les 250 millions sur 10 ans vont tout juste permettre de donner quelques généreuses subventions à des amis qui ne seront même pas tenus à réaliser leur « core business » au Québec, comme c’est le cas pour la batterie inventée au Québec dont les droits ont été vendus à Phostech Lithium de Saint-Bruno, devenue filiale d’une firme allemande.
Comme le souligne fort à propos Louis-Gilles Francoeur dans son article (payant) du 9-10 avril, le problème avec ce plan c’est l’absence totale d’un « projet central, porteur et structurant par son effet de pivot , qui aurait aussi des chances de placer le Québec au premier plan en matière de transport électrique. » Ce n’est pas l’industrie des pièces qui va entraîner le secteur, mais plutôt quelques projets d’envergure qui vont entraîner non seulement l’industrie des pièces mais également celle des nouveaux matériaux ainsi que toutes les autres industries qui seront de près ou de loin associées à une grappe du transport électrique. Le monorail à moteur-roues devrait être l’un de ses projets porteurs. Mais au-delà du monorail, l’innovation du moteur-roue pourrait permettre de révolutionner les véhicules produits au Québec (autobus, autocar, camions lourds, camion-à-ordure, ambulance, etc.). Nous reviendrons plus en détail sur cette grappe dans une éventuelle note d’intervention de l’IREC.
L’autre invraisemblance de ce plan est l’objectif des VE sur les routes du Québec. Le faux-semblant devient ici la prétention de stimuler le marché des VE pour qu’en 2020 les ventes atteignent 118 000 véhicules, alors que le programme de rabais proposé serait limité à 10 000 voitures…sur 10 ans ! La seule solution réellement en mesure de changer les pratiques d’achat de véhicules aurait été la mise en place d’un bonus/malus, ce que ce gouvernement a refusé. C’est vers cette solution que plusieurs scientifiques, des écologistes et le Réseau des ingénieurs du Québec se sont tournés, en demandant au gouvernement québécois de mettre en place un système de tarification de type bonus/malus à l’achat et l’immatriculation des voitures et camions légers. Après plus de six ans d’études, le gouvernement du Québec aurait dit non à cette solution. Il a plutôt proposé une bonification du programme d’incitatifs à l’achat et la location de véhicules électriques et hybrides rechargeables.
Selon Daniel Breton, du groupe MCN21, ce choix est totalement insensé. Les rabais proposés par le gouvernement pour les modèles véritablement écoénergétiques sont intéressants, nous dit Breton. Par contre, tout autre véhicule qui ne sera pas 100 % électrique ou hybride rechargeable n’aura plus droit à quelque incitatif que ce soit. « C’est à la fois déplorable et ridicule, nous dit Daniel Breton, avec cette approche rétrograde, le Québec rejoint le gouvernement fédéral et fait de nous l’exception du monde industrialisé. »
Pire : le rabais pour les quatre modèles écoénergétiques sera limité à 10 000 voitures en quatre ans. Soit une baisse potentielle maximum des émissions de GES en transport d’ici 2020 de 0,7 % ! Daniel Breton calcule que l’on devrait diminuer nos émissions de GES en transport de 49 % pour atteindre l’objectif du Québec de -20 % en 2020, si les autres secteurs baissent leurs émissions de 5 %. Dans le scénario où ces derniers baissaient leurs émissions de 20 % d’ici 2020, les émissions de CO2 en transport devraient plutôt diminuer de 27,5 % ! Conclusion ? Le gouvernement Charest se fout de l’objectif de 2020…
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