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Le samedi 23 avril 2022

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Et de trois ! Le Portugal suit le mouvement

L’auteur invité est Charles Wyplosz, professeur d’économie, Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement, Genève.

À son tour le Portugal demande l’aide du FMI et de l’Union européenne. Cela faisait des mois que la manœuvre était devenue inéluctable, des mois durant lesquels le gouvernement portugais a expliqué que le Portugal n’est pas la Grèce (irresponsable) ni l’Irlande (avec sa bulle immobilière). Mais le Portugal est comme tout le monde. Si les marchés financiers ont conclu que le gouvernement portugais ne peut pas emprunter ce dont il a besoin, il ne pourra pas financer ses déficits et, comme il lui est impossible de les éliminer, il ne lui restait plus qu’à aller obtenir un financement au FMI et au Fonds de l’UE. C’est aussi simple que cela.

Bien sûr, c’est une situation très difficile pour le gouvernement portugais. Aller au FMI est un signal d’échec et une perte temporaire de souveraineté. Ne pas y aller revenait à gagner du temps en donnant des gages de bonne gestion. Mais ces gages reviennent à couper dans les dépenses et donc à devenir impopulaire. Tellement impopulaire que le gouvernement est tombé et qu’il lance maintenant l’opération de renflouage avant des élections générales. Autrement, il a déjà perdu les élections. Comme souvent, attendre un miracle au lieu d’agir quand le problème surgit, n’est pas la bonne solution. Le gouvernement irlandais est tombé et a perdu les élections qui ont suivi précisément pour cette raison.

Malheureusement, ce n’est pas la fin des soucis pour la zone euro. Les conditions qui sont imposées par le FMI et la Commission sont toujours sévères. La priorité est de réduire les déficits, ce qui a, entre autres, l’inconvénient majeur de freiner l’économie, et donc d’aggraver la récession. Du coup les revenus baissent et les recettes fiscales aussi, et le déficit se creuse un peu plus. C’est très exactement ce qui est en train d’arriver en Grèce, et ce qui va sûrement arriver en Irlande. Ce type de cercle vicieux crée un dilemme particulièrement aigu : faut-il continuer à serrer les vis en espérant que la reprise améliorera la situation et le budget, mais sans aucune certitude que cela se produira, ou bien faut-il se résoudre à répudier une partie de la dette publique ?

Une répudiation de dette est toujours une affaire embrouillée. Les marchés financiers, et en particuliers les créditeurs lésés, ne sont pas contents et traitent le gouvernement comme un paria. Il ne peut plus emprunter un centime et c’est le FMI qui doit intervenir, avec ses fameuses conditions. Mais la mauvaise humeur ne dure jamais bien longtemps et des négociations s’engagent, d’autant que depuis un an les prêts à ces pays se font à des taux d’intérêt particulièrement rémunérateurs, très explicitement en fait une avance sur la répudiation à venir. Tôt ou tard, le gouvernement et ses créditeurs se mettent d’accord sur le degré de répudiation – l’expression consacrée est le haircut, la coupe des cheveux qui est plus ou moins sévère. Et les affaires reprennent. La dette a partiellement fondu et, du même coup, le besoin de restrictions budgétaires s’est amenuisé. Un mauvais moment à passer, en quelque sorte.

Si la croissance ne revient pas bientôt en Grèce, puis en Irlande et au Portugal, il y a de bonnes chances pour le gouvernement grec admette, enfin, qu’une répudiation de dette n’a pas que des désavantages. Jusqu’à maintenant, dans les milieux officiels – gouvernements, BCE, Commission – la notion de répudiation est un tabou absolu. La raison officielle est le risque de contagion. Certes, si la Grèce franchi cette étape, les marchés vont paniquer et cesser tout financement de l’Irlande et du Portugal, mais c’est déjà pratiquement le cas. Ils pourraient même s’affoler et refuser de prêter à d’autres pays comme l’Espagne ou l’Italie ou la Belgique. Le risque existe, bien sûr. Mais au lieu de diaboliser toute idée de répudiation, il faudrait peut-être s’y préparer et mettre en place des mesures qui en atténuent la gravité et réduisent le risque de contagion.

Officiellement, toujours, un tel Plan B n’est pas à l’étude. Si c’est vrai, c’est de l’inconscience, c’est sans doute pourquoi toutes ces dénégations officielles ne sont pas crédibles.

Alors pourquoi les autorités européennes s’arc-boutent-elles dans une posture qui a de fortes chances d’être aussi intenable que le refus du gouvernement portugais d’aller au FMI ? Pourquoi Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont-ils les plus vocaux à exclure toute répudiation ? C’est un secret de polichinelle. Les banques allemandes et françaises seraient en première ligne parmi les perdants d’une répudiation. Et si, par hasard, en dépit de toutes les affirmations officielles et de tous les tests de stress qui excluent toute répudiation, certaines de ces banques sont encore trop fragiles pour subir le choc, les gouvernements seront obligés, à nouveau, de voler à leur secours avec l’argent du contribuable. Ce serait la perte assurée des prochaines élections. Alors, naturellement, tout le monde revient à la bonne vieille méthode qui consiste à attendre un miracle au lieu d’agir en amont, avant que la situation ne se dégrade. Même si ce n’est pas la bonne solution.

On peut lire le texte au complet en allant sur le site web Telos.

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