L’auteur invité est Pierre Gouin, ancien sous-ministre des Finances du Québec Directeur, Financement et gestion de la dette, au ministère des Finances .
Un des aspects les plus critiqués des deux derniers budgets du Québec est le retour forcé à l’équilibre budgétaire dès 2013-2014 alors que la plupart des pays industrialisés ont choisi par prudence d’étaler ce retour sur une plus longue période. En réalité, l’équilibre entre les revenus et les dépenses du gouvernement sera pratiquement atteint dès 2012-2013, avec un déficit prévu de 500 millions de dollars plutôt que le 1500 millions de dollars mis en évidence par le gouvernement, et le budget sera même en surplus d’un milliard de dollars en 2013-2014. Toutes ces données se retrouvent dans les documents budgétaires mais la présentation officelle, selon la loi sur l’équilibre budgétaire de 2006-2007, fait apparaître le versement au Fonds des générations comme une dépense du gouvernement même si le montant versé, un milliard de dollars en 2012-2013, est investi à la Caisse de dépôt.
Cette nouvelle formulation de la loi oblige le gouvernement à dégager un surplus budgétaire invisible de l’ordre d’un milliard de dollars par année dans ses opérations, elle fait apparaître un déficit même quand le budget est en équilibre, et biaise à la hausse les données sur la croissance de la dette non consolidée du gouvernement. L’objectif invoqué pour justifier cette présentation, qui est liée à la création d’un fond dédié, est la volonté de forcer les gouvernements à faire sans faute, annuellement, un dépôt au Fond des générations.
Il est périlleux pour quelqu’un d’un certain âge d’émettre quelque objection que ce soit à l’idée qu’il faut se serrer la ceinture pour transmettre plus de richesse aux générations futures. Cependant, je pense qu’il est pertinent de se demander si, dans le contexte politique actuel, les versements au Fonds des générations contribuent réellement au bien-être des générations futures. Le gouvernement au pouvoir depuis près de dix ans a comme premiers objectifs de réduire la taille de l’État et de diminuer l’impôt sur le revenu ce qui l’amène à détruire des institutions publiques qui constituent une richesse collective. Il est plus facile de détruire des institutions, comme un système de santé public soutenu par une profession médicale dotée d’une conscience sociale, que de les reconstruire. Ce gouvernement s’est appuyé sur les déficits conjoncturels liés à la crise, mais gonflés artificiellement par les versements au Fonds des générations, pour implanter les mesures les plus destructrices. Les déficits ont entre autres justifié la hausse des frais de scolarité et une nouvelle taxe sur la santé qui ne tient pas compte du revenu gagné.
L’état des finances publiques ne nécessite aucunement que le Québec dégage des surplus pour diminuer la valeur de la dette. D’autant plus que la croissance de la dette viendra surtout des dépenses en immobilisations, qui représentent un actif, mais qui ne sont pas comptabilisées dans le déficit public, et que le gouvernement actuel gère de façon irresponsable. Je pense que la destruction en cours de nos institutions est plus couteuse pour les générations futures que ce que ne vaut le Fonds des générations. Se serrer la ceinture pour le bénéfice de nos descendants cela impliquerait d’accepter de payer les impôts requis pour profiter collectivement de services publics adéquats, financer les investissements nécessaires à leur maintien et peut-être enfin contribuer au remboursement de la dette. Est-ce que le parti québécois oserait annuler les baisses d’impôt sur le revenu décrétées depuis 2003 ou prendre des moyens équivalents pour rétablir la contribution des citoyens les mieux nantis et des entreprises profitables au financement des services publics ?
On peut lire le texte au complet en allant sur le site de Vigile.
Correction: J’ai été Directeur, Financement et gestion de la dette, au ministère des Finances mais non sous-ministre. PG