« L’indice des prix alimentaires de la Banque mondiale a augmenté de 15 % entre octobre 2010 et janvier 2011 et se situe seulement 3 % en dessous de son niveau record de 2008. Au cours des six derniers mois, les prix mondiaux du blé, du maïs, du sucre et des huiles alimentaires ont connu de fortes augmentations, tandis que ceux du riz enregistraient une hausse relativement plus faible. » C’est ce qu’indique la Banque mondiale dans le dernier rapport de son Indice des prix alimentaires, dévoilé en février dernier.
Pour comprendre le désordre qui touche aujourd’hui les marchés agricoles, il faut faire la part du contexte macroéconomique. En plus des turbulences sur le plan des devises (en particulier le dollar US) et de la spéculation effrénée des marchés, la hausse actuelle des cours mondiaux s’explique aussi par des facteurs climatiques, avec de mauvaises récoltes en Chine, au États-Unis, en Russie, au Kazakhstan. Ces deux derniers pays ont restreint leurs l’an passé, provoquant un premier mouvement de hausse des cours. L’automne a vu d’autres mauvaises nouvelles : inondations au Pakistan, en Australie, récoltes médiocres en Argentine et au Brésil.
Le problème, c’est que la hausse des cours ne se fait pas en raison directe de l’écart entre l’offre et la demande, mais se développe plutôt de façon exponentielle. L’exemple du marché international du riz permet de comprendre cette logique : moins de 10 % de la production mondiale seulement sont échangés sur les marchés mondiaux. Mais une faible détérioration de la production générale peut avoir une répercussion importante sur les prix dans la mesure où la diminution de l’offre se répercute plus fortement sur le riz échangé sur le marché. Les tensions sur le marché augmentent donc fortement avec une faible diminution de la production, comme l’explique Paul Krugman.
Selon la Banque mondiale, les hausses enregistrées ces derniers mois dans les prix alimentaires fragilisent la situation macroéconomique des pays – plus particulièrement ceux dont le poids des importations alimentaires est élevé et qui disposent d’un espace budgétaire limité – et sont à l’origine d’une aggravation de la pauvreté. Le bilan des chiffres de la pauvreté montre que la flambée des prix alimentaires depuis juin 2010 a plongé dans l’extrême pauvreté environ 44 millions de personnes dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
Mais sur ce fond de déséquilibre entre l’offre et la demande de produits agricoles, la question de la spéculation fait débat. La Commission européenne, reconnaissant « une corrélation forte entre les positions prises sur les marchés dérivés et les prix des matières premières », a proposé une plus grande surveillance des marchés, en cherchant à influencer les meilleures pratiques. Mais selon les spécialistes préoccupés par la question, c’est l’option choisie par les États-Unis, avec la loi Dodd-Franck, qui consiste à accentuer la régulation des marchés dérivés, par exemple en limitant le nombre de contrats pouvant être conclu par chaque opérateur sur les marchés secondaires, qui serait l’option la plus efficace. Mais elle est aujourd’hui remise en cause par la nouvelle majorité républicaine au Congrès !
Le problème se complique dans la mesure où certaines productions agricoles sont détournées vers des marchés non alimentaires : l’utilisation du maïs pour la production d’éthanol par exemple. En janvier 2011, les prix du maïs avaient augmenté d’environ 73 % par rapport à juin 2010. Plusieurs facteurs l’expliquent, dont la baisse des prévisions de récoltes, la faiblesse des stocks, la corrélation positive entre les prix du maïs et ceux du blé, mais ce qui fait problème c’est l’utilisation du maïs pour la production de biocarburants. Concernant ce dernier point, la demande de maïs pour la production d’éthanol a augmenté en raison de la hausse des prix du pétrole. De récentes prévisions du département de l’Agriculture américain (USDA) indiquent que la part de la production de maïs des États-Unis destinée à la fabrication d’éthanol va passer de 31 % en 2008-2009 à 40 % en 2010-2011.
Donc, l’augmente générale des prix des aliments appauvrit les plus pauvres, avec un impact négatif sur l’apport nutritionnel des populations moins favorisées, tout en augmentant les tendances inflationnistes et en détériorant la balance commerciale des pays importateurs de biens agricoles. Et ça ne peut qu’empirer dans les années à venir…
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