L’auteure invitée est Marie-Ève Rancourt, porte-parole de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics.
Les Québécois ont de nombreuses raisons de s’inquiéter de l’Accord économique et commercial global (AÉCG) négocié entre le Canada et l’Union européenne. Même en pleine campagne électorale, les négociateurs se sont rencontrés à Ottawa pendant la semaine du 11 avril. Pourtant, cette rencontre, comme les précédentes, s’est déroulée dans le plus grand secret.
Des enjeux essentiels sont sur la table, comme les marchés publics, la mobilité de la main-d’oeuvre, l’environnement, l’agriculture, les droits de propriété intellectuelle, la culture. Ainsi, serions-nous en droit de savoir comment s’orientent les négociations et quels secteurs de l’économie souhaite-t-on ouvrir aux entreprises européennes.
Les services publics restent un enjeu majeur des négociations. Sous le principe d’une «concurrence libre et non faussée», l’Europe a privatisé depuis plusieurs années de nombreux services publics: les télécommunications, l’eau, l’énergie (gaz, électricité), les autoroutes, les transports (maritimes, ferroviaires), la poste. Le résultat de ces privatisations a souvent été désastreux pour les populations européennes: hausse marquée des tarifs, baisse de la qualité et de l’accessibilité des services.
Les grandes entreprises européennes dans le secteur des services – dont les entreprises publiques maintenant privatisées – ont comme objectif premier de réaliser des bénéfices importants pour leurs actionnaires, et non plus de remplir une mission de service public comme auparavant. Pour elles, le Canada devient un marché intéressant puisqu’il satisfait leur recherche de nouvelles clientèles.
Dans quelle mesure les négociateurs voudront-ils imposer le nouveau modèle concurrentiel européen aux Québécois et aux Canadiens? Le Canada, qui tient surtout à exporter ses ressources naturelles, est prêt à ouvrir les appels d’offres tant au niveau fédéral, provincial et municipal aux compagnies européennes. Ne sacrifiera-t-il pas le contrôle de certains services en échange d’un accès déjà très ouvert au marché européen? Comment pourrons-nous protéger, par exemple, la Société des alcools du Québec (SAQ), alors que les Européens n’acceptent plus ce type de monopole d’État et qu’ils ont d’importants intérêts dans ce secteur? Le gouvernement du Québec peut-il dire clairement s’il maintient Hydro-Québec dans sa totalité hors des offres du Canada?
Des fuites et le travail assidu de quelques organisations de la société civile ont permis de révéler quelques secteurs ciblés. Les grandes multinationales européennes de l’eau, comme Veolia et Suez, pourraient répondre aux appels d’offres des municipalités et accaparer une large part des services d’eau potable et du traitement des eaux usées. Ce à quoi correspondront inévitablement des hausses de prix, sous forme de taxes ou de tarification.
La prolongation du brevet des médicaments de marque prévue dans l’accord augmentera de façon significative le coût de notre système de santé. De plus, les entreprises européennes dans le secteur de la santé pourraient s’introduire dans les domaines de la santé privatisés, plus nombreux au Québec qu’ailleurs au Canada, et créer de la pression pour arriver à davantage de libéralisations.
Bien des questions viennent donc à l’esprit en ce qui concerne l’AÉCG, ne serait-ce que sous l’angle particulier des services publics. Et jusqu’à maintenant, ni le gouvernement du Québec, ni celui du Canada n’ont su nous informer de façon satisfaisante sur cet accord. Certes, celui-ci n’est pas encore bouclé. Mais comme tous les accords commerciaux, il se composera de plusieurs milliers de pages, écrites dans un langage juridique sibyllin que peu de politiciens eux-mêmes comprennent. D’où l’importance de l’expliquer clairement et rapidement à la population. D’autant plus que cet accord, une fois conclu, sera pratiquement irréversible.
On peut lire le texte au complet en allant sur le site de La Presse.
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