Après trois ans de crise, avec les impacts particulièrement visibles de l’éclatement de la bulle immobilière, un mouvement de protestation sociale qui a débuté le 15 mai – d’où le nom du mouvement du « 15-M » – s’est amplifié dans les rues de Madrid à la veille des élections municipales et régionales, rassemblant des dizaines de milliers de jeunes, des « indignés » contre le système politique, la crise économique et l’attitude des oligarchies en place. Dès le 15 mai, 60 000 personnes manifestent à Madrid et dans les grandes villes du pays.
Beaucoup des associations qui ont alimenté ce mouvement sont nées avec la crise économique qui a fait grimper le taux de chômage jusqu’à 20% pour l’ensemble de la population active espagnole, mais à 45% chez les jeunes ! Dans l’indifférence presque complète des médias et de la sphère politique, plus de 200 organisations – l’Association nationale des chômeurs, la plateforme des familles endettées par les prêts immobiliers, Jeunesse sans futur, Attac, des abstentionnistes convaincus, etc. – ont préparé ensemble une série de manifestations dans 50 villes d’Espagne avec un mot d’ordre : « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers. »
Les organisateurs du mouvement ont baptisé leur plateforme en ligne « Democracia Real Ya » – « Une vraie démocratie, maintenant ». Leur manifeste revendique le fait d’être constituée par des gens « normaux », de tous horizons. Ses membres parlent des lacunes de la loi électorale espagnole qui favorise le bipartisme, dénoncent la corruption, les problèmes d’accès au logement, le chômage, la crise… La veille de l’élection, la foule rassemblée sur la Puerta del Sol, à Madrid, s’est tue – la loi espagnole interdit « de faire campagne » la veille d’un jour d’élection, ainsi que les rassemblements. C’est avec ce « cri muet » qu’elles ont accueilli la « journée de réflexion » qui précède traditionnellement un scrutin en Espagne, sans aucune consigne de vote. Mais pour un mouvement qui se réclame de la gauche, il apparaît manifeste que ce cri muet résonnerait comme une vote abstentionniste dans les boîtes de scrutin et que c’est le parti socialiste qui écoperait. Mais puisqu’il s’agit d’élections locales et régionales, ce signal d’extrême mécontentement des électeurs de gauche n’est-il pas bienvenue avant les élections législatives…
Maintenant que l’impact politique immédiat des premiers jours de manifestation a témoigné de son influence, le mouvement du 15-M a repris de plus belle autour de la place de la Puerta del Sol et dans les villes moyennes du pays, comme Valence, Séville ou Bilbao. Pendant les derniers jours les autorités ont dû faire à des demandes d’autorisation pour manifester déposés par plus de 500 différentes associations : « des écologistes aux groupes contraires à la dite « Loi Sinde » qui limite les chargements de contenus protégés par les droits d’auteur sur Internet, des associations de consommateurs, de gens touchés par la crise immobilière et qui ont du rendre leur logement aux banques parce qu’ils n’ont pas pu continuer à payer l’hypothèque, il y a des défenseurs des droits des animaux et jusqu’au mouvement Despacito qui propose, la vie lente, comme alternative à la folie du monde moderne. »
Reste à voir si, comme au Canada, ce mouvement va conduire au pouvoir le parti de la droite populiste. Bien sûr les socialistes espagnols seront punis d’avoir fait le jeu de l’oligarchie financière; nais ceux qui les remplaceront seront organiquement liés à cette oligarchie ! Dans le contexte historique dans lequel nous sommes actuellement, « l’intelligence » politique des peuples fait défaut.
Discussion
Pas de commentaire pour “Quel printemps espagnol ?”