La nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans les milieux du nucléaire. Après douze heures de discussion à la chancellerie entre les membres de la coalition au pouvoir, Norbert Röttgen, le ministre de l’Environnement confirme la nouvelle politique : le dernier réacteur allemand sera débranché au plus tard fin 2022. Mais selon les spécialistes, ce ne serait pas le premier ni le dernier revirement allemand dans ce domaine, selon l’humeur des électeurs. La coalition « rouge-verte » (SPD et Verts au pouvoir de 1998 à 2005), avait initialement programmé une sortie du nucléaire, avec 2022-2023 comme horizon. Par la suite, la coalition « noir-jaune » (CDU, CSU et FDP, au pouvoir depuis 2009) avait envisagé une prolongation, jusqu’en 2036. Les manifestations massives et multiples (la dernière ayant réuni plus de 10 000 personnes à Hambourg le 28 mai), les résultats électoraux régionaux catastrophiques pour la coalition au pouvoir et des sondages clairement hostiles à la poursuite de la filière auront donc eu raison du nucléaire allemand.
Selon le plan actuel, seuls les trois réacteurs les plus récents pourront fonctionner (en cas de difficulté dans le virage énergétique) jusqu’en 2022. Les sept réacteurs les plus anciens, qui avaient été débranchés dans le cadre du moratoire post-Fukushima, le resteront définitivement. Le gouvernement allemand a par ailleurs confirmé que la taxe sur le combustible nucléaire, qui devait rapporter annuellement 2,3 milliards, sera maintenue. Toutefois, compte tenu de l’arrêt immédiat et définitif des sept réacteurs les plus vétustes, le produit de cette taxe qui devait contribuer au financement de la conversion énergétique vers le renouvelable sera amputé de manière importante.
Mais l’arrêt du nucléaire en Allemagne représente quoi au juste ? Selon Eurostat, la politique énergétique allemande a réussi, entre 1999 et 2009, à faire reculer les énergies fossiles dans son mix énergétique : la part du charbon a baissé de près de 2 points, celle du pétrole de près de 5 points et la part du gaz a augmenté de 2 points. Pendant ce temps, le nucléaire baissait de 2 points et les énergies renouvelables augmentaient de plus 6 points. Ces dernières sont ainsi passées de 2,4 % à 8,5 % du mix énergétique. Lorsqu’on examine la dimension économique des filières des énergies renouvelables, on constate aussi que l’Allemagne comptait plus de 333 000 emplois en 2009 dans le secteur de la production d’énergie verte, contre près de 100 000 emplois dans le nucléaire. Selon des chiffres plus récents, la seule industrie du solaire photovoltaïque emploie plus de 100 000 personnes en Allemagne. L’Allemagne réalise un chiffre d’affaires de 36 milliards d’euros en 2009 dans les énergies vertes.
Reste que le nucléaire représente encore 20 % de l’énergie consommée. Les spécialistes pensent que ce sera le gaz russe qui devrait, à court et moyen terme, jouer le rôle d’énergie de transition vers le 100 % renouvelable. Mais d’ici là le nucléaire ne sera pas disparu totalement. Selon Rue89, vingt ans après l’arrêt du dernier réacteur italien, suite à un vote référendaire, l’Italie continue de consommer 10 % de son électricité de source nucléaire… produite en France.
Les spécialistes français de l’énergie qui étaient de passage à Montréal la semaine dernière, dans le cadre de la Conférence de Montréal, se plaisaient à dire que le succès des énergies renouvelables dépend surtout des aides publiques. Mais n’est-ce exactement le cas pour le nucléaire ? S’il n’y avait pas eu ces investissements massifs des États dans le développement du nucléaire, et des investissements actuels et futurs pour trouver des solutions aux déchets de cette industrie, je ne suis pas sûr que le nucléaire serait compétitif par rapport aux autres sources. Les solutions aux problèmes énergétiques actuels exigent des investissements importants pour diminuer les coûts. C’est ce qui se produit dans l’éolien et qui va se produire dans le solaire, dont les coûts ont connu une baisse constante ces dernières années.
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