L’importance de ce qui se passe en Grèce est majeure. La gauche parlementaire grecque se montre incapable de sortir de la gestion libérale d’une crise causée par la droite et les voyous financiers. Pourtant la société civile peut sortir renforcée de cette crise. Mais elle éviter de tomber dans le refus d’extrême-gauche ou dans le populisme d’extrême-droite.
C’est dans les mois qui viennent que le sort de la Grèce devrait se jouer. La grande épreuve de force est engagée avec, d’un côté les grandes organisations économiques qui, à l’exception du FMI (du moins lorsque DSK la dirigeait) et de l’Allemagne, ne veulent rien entendre d’une restructuration rapide et significative de la dette, et de l’autre une population et des organisations qui ne veulent pas être les victimes passives de ce vol qualifié du patrimoine national grec.
Le 5 juin, environ 100 000 personnes criaient, dans la rue, leur refus des remèdes de la gestion libérale et de devoir payer pour une crise provoquée par les institutions financières. Le 15 juin 2011, encore des dizaines de milliers de manifestants mobilisés par les syndicats et le mouvement des « indignés », ont tenté de former une chaîne humaine autour du bâtiment du Parlement, et de tenir 24 heures, alors qu’à l’intérieur on discutait du deuxième plan d’austérité. Le gouvernement présentait en effet au Parlement ce jour-là son deuxième plan de rigueur exigé par les bailleurs de fonds internationaux de la Grèce.
Ce deuxième plan de rigueur s’annonce particulièrement sévère. Il prévoit de nouvelles coupes dans les dépenses publiques (un total de 28,4 milliards d’euros d’économies sur cinq ans), une hausse des impôts, et surtout une vague massive de privatisations sans précédent dans le pays. L’Etat a pour ambition de vendre à hauteur de 50 milliards d’euros d’ici à 2015. Il y a déjà eu un plan d’austérité très sévère l’an dernier et pour les Grecs, ce 2e plan est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, y compris au sein même de la majorité au pouvoir. Le Premier ministre socialiste Georges Papandréou se heurte au refus des syndicats et d’une partie de son propre parti, le Pasok. Un député du Pasok a annoncé sa démission et la base du parti de Papandreou se révolte contre les privatisations massives. Le gouvernement ne dispose plus que d’une très faible majorité pour voter ce plan d’austérité.
Les manifestants réclament l’annulation d’une partie de la dette. Cela pourrait commencer par un audit : en mars, un appel a été lancé pour la constitution d’une commission publique chargée d’enquêter sur la question, appuyé par des économistes, des militants, des académiques et des parlementaires du monde entier. Selon eux, seules les dettes « légitimes », celles qui ont été contractées dans l’intérêt de la nation, devraient être honorées.
La semaine dernière, il semble que la persistance de la lutte a commencé à donner ses fruits puisque M. Papandréou vient de leur lâcher l’idée d’un référendum s’il n’obtenait pas une majorité au Parlement fin juin (ce qui a désormais toutes les chances de se produire étant donné les contestations au sein du Pasok) pour tenter de valider son plan d’austérité. Pourrait-on alors voir se produire en Grèce une démarche qui s’inspirerait de la solution islandaise ? En mars 2010, les Islandais ont rejeté à 93 %, par voie de référendum, un premier plan de remboursement de l’énorme dette de banques islandaises en faillite. Une seconde proposition moins défavorable (des intérêts moindres de 3 %, contre 5 % prévus dans la première mouture, et un étalement du remboursement entre 2016 et 2046), a alors été élaborée et approuvée par le parlement islandais. Seule la signature du président, Olafur Ragnar Grimsson, manquait pour que ce second plan entre en vigueur. Mais une pétition, appelant les pouvoirs législatif et exécutif islandais à bloquer ce nouvel accord a rassemblé 40 000 signatures (sur 320 000 habitants). Ce qui a conduit le chef de l’État à convoquer de nouveau ses concitoyens aux urnes le 9 avril où le non l’emportait encore une fois, mais à 60 %.
Tout compte fait, l’Islande n’a pas « socialisée » la dette privée. La population a traversé une conjoncture difficile, puisque le pays a dû dévaluer sa devise de près de moitié, mais la croissance économique du pays semble maintenant en voie de rétablissement. Et cette fois la croissance islandaise ne s’accompagne pas d’une inflation de bulle immobilière avec déficit commercial, il s’agit d’une croissance plus saine et plus autocentrée.
Mais la Grèce n’est pas l’Islande. Elle s’est engagée dans une union plus large de nations qui lui a apporté des avantages ; par contre, elle n’a plus sa monnaie. Elle ne peut pas agir exactement comme l’a fait l’Islande. Mais au moins ce qu’elle peut faire immédiatement c’est de donner la parole au peuple grec et d’écouter son verdict. N’est-ce pas cela la démocratie que la Grèce antique nous a donnée ?
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