L’auteur invité est Louis-Gilles Francoeur, journaliste au Devoir.
Ils sont plus de 80 organismes, dont une quinzaine de municipalités, à réclamer de Québec qu’il coordonne le projet de création du «Parc écologique de l’Archipel de Montréal» (PEAM) en profitant de la confection du plan d’aménagement de la Communauté métropolitaine de Montréal pour modifier les règles du jeu en matière de développement urbain.
Si Québec ne passe pas à l’action maintenant et que les exigences pour créer ce parc ne sont pas intégrées «maintenant» dans la planification territoriale de la métropole, les règles d’aménagement seront non seulement figées pour les cinq prochaines années, mais le feu vert qu’elles vont donner au développement sur les derniers vestiges de la biodiversité dans le sud du Québec va signer littéralement la mort des derniers bastions du patrimoine naturel, car dans cinq ans, souligne le groupe, il ne restera plus grand-chose des forêts urbaines, milieux humides et rives naturelles qui ont survécu au développement pas endurable si caractéristique du Québec contemporain.
Et l’exemple vient de haut en matière d’aliénation du patrimoine naturel! La Société générale de financement (SGF), une société de la Couronne, a vendu au printemps dernier 95 hectares de terres gouvernementales dans le corridor écoforestier de la rivière à l’Orme, sur l’île de Montréal, dénoncent les 80. La communauté environnementale de l’île a été outrée de constater que ce fragile écosystème, relié à la seule rivière encore un tant soit peu naturelle de l’île de Montréal, serait à tout jamais perdu, expliquait Tommy Montpetit, un des porte-parole des «Partenaires» du parc écologique.
Ce corridor forestier, dit-il, «représente une caractéristique exceptionnelle sur le plan de la biodiversité au sein de la métropole et pourrait constituer une pièce maîtresse du parc écologique». C’est pourquoi les 80 partenaires demandent à Québec de stopper cette transaction et de préserver ce patrimoine. La décision de vendre un terrain aussi rare sur une île en déficit grave de patrimoine naturel est encore plus scandaleuse que la vente des terrains limitrophes au parc national des Îles-de-Boucherville par le Mouvement Desjardins, il y a quelques années. Québec s’est doté d’une loi sur le développement durable qui exige de tous les organismes environnementaux qu’ils affichent une véritable vision environnementale, ce qui fait visiblement défaut à la SGF jusqu’à nouvel ordre.
C’est donc au ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, et à son collègue des Affaires municipales et des Régions, Laurent Lessard, que les 80 partenaires adressent leur requête en vue d’intégrer au plan d’aménagement de la CMM une planification territoriale destinée à lancer le projet de Parc écologique de l’Archipel.
Pierre Arcand est le responsable ministériel des écosystèmes en vertu de la loi, et son collègue Lessard a la responsabilité d’approuver le plan d’aménagement de la métropole.
Cette future «ceinture verte» métropolitaine pourrait concourir à atteindre l’objectif de protection de 12 % d’ici 2015 du territoire québécois sous forme d’aires protégées, que Québec a adopté. Mais le 18 mai dernier, un communiqué du ministre Arcand a fort inquiété les 80 partenaires. On y annonçait qu’au cours des deux prochaines années, «le gouvernement prévoit tenir trois audiences publiques dans les régions de la Côte-Nord, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de l’Abitibi-Témiscamingue pour donner un statut permanent à 26 aires protégées projetées». Mais le même communiqué n’annonçait strictement rien pour le sud du Québec, une zone écologique qu’on désigne sous le nom de «domaine bioclimatique de l’érablière à caryer cordiforme».
Cette zone, la plus chaude de la province, concentre 50 % de la population québécoise sur 1 % du territoire québécois. Mais cette concentration humaine a des impacts majeurs: la région métropolitaine a ainsi perdu 85 % de son couvert forestier et 95 % de ses milieux humides. Ses aires protégées ne représentent que 2,5 % du territoire régional. En somme, c’est le règne de l’indigence biologique, qui va de pair avec l’inconscience d’une classe politique qui gère le territoire avec des priorités d’une autre époque.
Contrairement à Montréal, les grandes villes canadiennes comme Toronto, Ottawa, Vancouver et… Longueuil se sont dotées de ceintures vertes qui font l’orgueil de leurs citoyens. Toronto protège ses bassins versants depuis 1954, un concept étranger à nos maires à la solde de promoteurs immobiliers qui n’hésitent pas à corder les habitations en triples rangées le long des cours d’eau et qui se balancent depuis 25 ans des règles de protection des bandes riveraines. En Ontario, Queen’s Park et la Ville de Toronto ont institué de concert une ceinture verte de 728 000 ha autour de cette ville tout aussi intéressée à se développer.
Ceux qui prétendent que ce défi est impossible n’ont qu’à aller visiter ces grandes villes ou, minimalement, aller voir comment Longueuil a réussi, avec vision et détermination, à protéger 13 % de son territoire.
Pour lire le texte on va sur le site du quotidien Le Devoir
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