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Le samedi 23 avril 2022

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Les ambitions et les défis de la Chine

Tiré du Quotidien du Peuple, un article du directeur du Centre Chinois pour la Réforme Economique de l’Université de Pékin, Yao Yang, se penche sur la destinée du pays à dépasser les États-Unis et à devenir la plus grande économie du monde. Selon l’auteur, le Fonds Monétaire International aurait prédit que la taille de l’économie chinoise dépasserait celle des États-Unis en termes de parité de pouvoir d’achat (PPA) d’ici 2016. Deux autres études sont mentionnées, celle co-signée par Robert Feenstra, économiste à l’Université de Californie de Davis, qui démontrerait que la Chine prendrait la première place de l’économie mondiale en 2014 alors que l’autre, plus radicale encore, d’Arvind Subramanian, de l’Institut Peterson d’Economie Internationale, prétendrait que la Chine aurait dépassé les États-Unis en termes de PPA dès 2010.

Mais peu importe, nous dit l’auteur chinois, le débat théorique sur la façon correcte de calculer la PPA, la Chine deviendra la plus grande économie du monde, et ce en terme nominal, dès l’horizon 2021. Sur la base des moyennes des dernières années – croissance de la Chine et des États-Unis respectivement de 8% et 3% en termes réels, des taux d’inflation de 3,6% et de 2%, et des gains du Yuan de 3% par an contre le Dollar US –, le PIB des deux pays sera d’environ 24 000 milliards de Dollars US, soit probablement le triple de celui de la troisième plus grande économie du monde, soit le Japon, soit l’Allemagne.

Mais ces prédictions se basent sur des scénarios élevés, avec des tendances de croissance qui ne sont pas soutenables sur le long terme. Nous l’avons lu il y a quelques semaines dans un texte signé de Nouriel Roubini, la Chine pourrait faire face à un arrêt brutal de sa croissance pour cause de surinvestissement. Car la croissance de la Chine reste fondamentalement déséquilibrée sur le plan strictement économique.

L’inflation pourrait aussi représenter le grain de sable qui enraye la machine productive de la grande manufacture du monde. La hausse des prix à la consommation, principale jauge de l’inflation en Chine, a atteint 5,5% en mai. L’inflation, notamment des prix alimentaires, devient la principale préoccupation de Pékin qui voudrait la maintenir à environ 4% pour l’ensemble de l’année. La sécheresse et les inondations qui ont frappé des régions du centre et du sud de la Chine ont aggravé la pénurie d’électricité et encore davantage poussé les prix à la hausse, notamment ceux des denrées agricoles. La banque centrale a répondu aux pressions inflationnistes en augmentant quatre fois depuis octobre les taux d’intérêt directeurs ainsi qu’à maintes reprises les réserves obligatoires des banques, limitant leur capacité à accorder des prêts.

La lutte contre l’inflation, favorisée par la hausse des coûts du travail et des matières premières, est devenue plus difficile pour le gouvernement. Mais l’enjeu est primordial : avec ces prix alimentaires en progression, beaucoup plus rapide que pour les autres articles, l’inflation frappe davantage les moins fortunés, qui dépensent une part plus importante de leurs revenus pour se nourrir et présente des risques accrus de contestation sociale pour le régime communiste. Car si la croissance de l’économie chinoise est déséquilibrée, c’est évidemment aussi le cas sur le plan du développement social, jamais totalement séparé de la vie économique réelle.

Par exemple, depuis quelques semaines la province du Guangdong, dans le sud de la Chine, serait le théâtre de violentes émeutes qui rassemblent des milliers de travailleurs migrants sur des questions touchant les conditions de travail, souvent déplorables. Comme en Tunisie, il s’agit parfois d’un banal incident de la violence quotidienne contre les petits marchands de rue qui met le feu aux poudres. Selon un quotidien de Hong Kong, South China Morning Post, des voitures de police auraient été détruites et des bureaux du gouvernement local saccagés. Malgré une présence policière renforcée, plus de 1 000 personnes sont ressorties dans la rue et ont laissé libre cours à leur rage, et derrière eux, de nombreux véhicules retournés.

À la dimension sociale, s’ajoute aussi les problèmes environnementaux. On l’a vu plus haut, la sécheresse et les inondations créent des pénuries et alimentent l’inflation. Le modèle de développement de la Chine prend trop souvent la forme d’un productivisme aveugle qui se traduit dans des phénomènes environnementaux désastreux. Exemple : le lac Poyang, situé dans la province du Jiangxi (sud-est), était le plus grand lac d’eau douce de Chine. Aujourd’hui, sur 90% de la surface qu’il occupait, l’eau a laissé place à de la boue séchée et craquelée ou à de l’herbe, à cause du manque de précipitation et des hautes températures. La sécheresse qui frappe actuellement la Chine est la pire depuis cinquante ans. Selon le ministère des Affaires civiles, elle a déjà affecté 35 millions de résidents dans les provinces du Jiangsu, de l’Anhui, du Jiangxi, du Hubei et du Hunan. Parmi les causes évoquées, le manque d’entretien des systèmes d’irrigation, la pollution massive des eaux (en 2006, 70% de l’eau des rivières du pays étaient impropres à la consommation, selon des données scientifiques européennes), et les nombreux barrages, avec en premier lieu celui des Trois Gorges.

La Chine comme première puissance économique du monde ? Peut-être. Mais plus fort est le taux de croissance d’un pays, plus forte peut aussi être sa descente aux enfers.

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