Les États-Unis sont en train de s’enfermer dans un cercle vicieux multidimensionnel (économique, politique, culturel), qui pourrait accélérer la dégénérescence du modèle libéral dont ce pays a été l’exemple adulé dans le monde entier, en particulier par les élites économiques du monde qui le présentaient comme le paradis sur terre.
Dans le domaine économique, tout indique que les États-Unis sont incapables de s’engager dans une phase de reprise, comme ils le faisaient lors de chacun des cycles économiques depuis la fin de la 2e guerre. Certains économistes, comme Stiglitz, suggèrent même que ce pays s’enferment dans un scénario à la japonaise – la période de stagnation des années 1990 – en raison d’une dynamique malsaine de mal développement.
« La crise, nous dit Joseph E. Stiglitz, a aussi remis en question des dogmes de longue date qui attribuent le chômage à la rigidité du marché du travail, parce que des pays avec des salaires plus flexibles, comme les USA, se sont moins bien comportés que les économies nord-européennes, y compris l’Allemagne. En effet, lorsque les salaires diminuent, les travailleurs éprouvent encore plus de difficulté à rembourser leurs dettes, ce qui fait empirer les problèmes sur le marché immobilier. La consommation reste faible, alors qu’une reprise forte et durable ne peut être basée sur une autre bulle alimentée par l’endettement. Aussi inégale était l’Amérique avant la Grande Récession, la crise et la manière dont elle a été gérée ont encore amplifié l’inégalité des revenus, rendant une reprise encore plus difficile. L’Amérique se prépare à sa propre version de malaise à la japonaise. »
Plus endettés que jamais, les consommateurs étatsuniens ne seront pas cette fois-ci les agents économiques qui permettront de relancer la machine économique. Et ce ne sera pas non plus l’État puisque sur le plan politique, le pays semble de plus en plus s’enfermer dans un bipartisme totalement bloquée, en raison d’un extrémisme puritain, antiétatique et ultraconservateur, manipulé par les oligarchies de la finance et du pétrole, qui interdit toutes solutions de compromis. Déjà, les mesures prises pour lutter contre les déficits dans les États dominés par les Républicains – coupures sauvages dans les services publics, hausse des taxes indirectes mais baisse des impôts des riches et des entreprises – représentent un facteur important de la stagnation de l’économie des États-Unis. Mais ce n’est rien à côté de ce que veulent faire les Républicains au niveau fédéral. Il est vrai qu’avec un déficit budgétaire équivalent à 10 % du PIB, l’enjeu est de taille. Néanmoins, comme le montre l’exemple grec, les centaines de milliards de coupures dans les dépenses qui sont proposées par les Républicains vont plutôt empirer qu’améliorer la situation.
La solution passe, comme lors de la crise des années 1930, par l’imposition des ménages les plus favorisés et le renforcement des contre-pouvoirs des travailleurs afin de faciliter une distribution plus égalitaire des revenus. Toutefois, les forces en présence rendent cette solution inimaginable.
Dans ce contexte de dégénérescence du modèle étatsunien, le pays est aussi traversé par des courants idéologiques qui font véritablement penser au déclin d’un empire. Au mois de mai, les grands médias – dont le NewYork Times – ont donné une visibilité inespérée à un mouvement d’illuminés appelant à se préparer au Jugement Dernier ! En décembre de l’an passé, c’était l’État du Kentucky qui accordait une subvention de 43 millions $ pour la création d’un parc thématique créationniste avec une arche de Noé contenant des animaux vivants – alors que le gouverneur de cet État coupe dans les dépenses, dont celles en éducation…
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