Dans le dernier d’une série d’article du New York Times sur le gaz de schiste, on dévoile des faits troublants concernant la viabilité économique de l’industrie. Selon le NYT, l’industrie aurait exagéré intentionnellement, voire illégalement, les réserves et la rentabilité des puits d’exploitation, trompant ainsi les investisseurs sur la rentabilité à long terme des entreprises du secteur. On présume également que cette stratégie de camouflage de la faible rentabilité des puits viserait à aller chercher une plus grande part des subventions gouvernementales, dont l’objectif est de garantir l’indépendance énergétique des États-Unis.
« The word in the world of independents is that the shale plays are just giant Ponzi schemes and the economics just do not work, » affirme un analyste de IHS Drilling Data.
Mais les préoccupations croissantes des citoyens étatsuniens face aux dommages présumés causés par l’utilisation de la technique de fracturation pour l’exploitation des gaz de schiste oblige l’administration Obama à agir sur plusieurs fronts. Étant donné les nombreuses exceptions et contournements des lois que les lobbys du pétrole et du gaz ont obtenues depuis quelques années, le gouvernement fédéral devra bientôt rassurer la population sur les risques réels de cette industrie.
Dans un long billet diffusé sur le blogue de Joe Romm (Climate Progress), l’expert des questions environnementales Tom Kenworthy passe en revue les découvertes récentes concernant les dangers de la technique de fracturation hydraulique – étude de la Duke University sur la contamination par le méthane ou celle de la Cornell University sur l’analyse du cycle de vie qui conclut que les impacts environnementaux sont équivalents ou pires que ceux de l’industrie du charbon – ainsi que les nombreuses exceptions aux lois environnementales acquises par l’industrie.
On peut constater dans le tableau suivant que les plus importantes législations protégeant l’environnement ainsi que la santé et la sécurité de la population – eau, air –, dont les États-Unis se sont à juste raison enorgueillis, sont devenues avec le temps une passoire dont ils n’ont plus à être très fiers.
Dans ce contexte, le Secrétaire à l’Énergie, Steven Chu, vient de créer une nouvelle commission à l’intérieur de son administration dont le mandat sera de réexaminer en profondeur la sécurité et les performances environnementales des techniques utilisées par l’industrie des gaz de schiste. La commission devrait produire d’ici six mois un rapport avec des recommandations pour changer les pratiques de l’industrie, plus particulièrement dans le domaine de la protection de l’eau.
Rappelons aussi que deux autres démarches sont en cours aux États-Unis sur l’industrie des gaz de schiste. D’une part, l’étude environnementale de l’EPA, qui devrait produire des résultats préliminaires vers la fin de 2012 alors que le dépôt du rapport final est attendu pour 2014. D’autre part, le Département de l’Intérieur a programme une série de conférence publique sur l’exploitation des gaz de schiste sur les terres publiques.
Mais l’Europe est aussi confronté de plus en plus aux enjeux de cette industrie encore jeune. On a vu que la France a imposé un moratoire. Ce n’est pas le cas de son voisin de l’autre côté de la Manche. En mai, le parlement britannique n’a pas jugé utile de décréter un moratoire sur l’exploitation par fracturation hydraulique puisque « there was no direct evidence to suggest it was harmful to the environment. » Pourtant, suite à une activité sismique croissante mesurée près de la ville de Blackpoo, la firme d’exploration Cuadrilla Ressources aurait suspendu l’exploitation d’un puits utilisant la fracturation, le temps que les experts de la Keele University, le British Geological Survey (BGS) et le Department of Energy and Climate Change (DECC) du gouvernement britannique analyse la situation.
« It is well known that injection of water or other fluids during the oil extraction and geothermal engineering, such as shale gas, processes can result in earthquake activity, » aurait affirmé un porte-parole du BGS.
RIONS UN PEU
« Le Québec fait peur à l’industrie gazière et pétrolière » titrait la semaine dernière un malin de La Presse. C’est à faire mourir de rire. Remarquez qu’en soit il ne soit pas si ridicule d’affubler un titre pareille à un article de caniveau qui reprend, semble-t-il sans aucune gêne, l’argumentation d’une campagne de dénigrement contre le Québec par l’un des organismes les moins moralement intègres de la droite canadienne. Contrairement à ce qu’affirme Hélène Baril, l’Institut Fraser n’est pas un organisme indépendant. Il est plutôt la référence intellectuelle de la frange la plus ultralibérale des milieux d’affaires, de cette oligarchie qui se croît tout permis, parmi laquelle l’industrie du gaz et du pétrole est très bien représentée.
Une chose est sûre : la société civile québécoise dérange ces gens-là !
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