Dans un article paru en juillet dernier dans Le Devoir (article accessible aux abonnés), Gérard Bérubé retient notre attention sur une étude du Conference Board portant sur l’inégalité des revenus au Canada. Selon cette étude, l’écart entre les riches et les pauvres s’est fortement accru au Canada, principalement au cours des 15 dernières années. Pendant cette période, les riches auraient augmenté leur part du revenu national total, au détriment des plus pauvres et de la classe moyenne.

« Le revenu moyen dans le groupe des Canadiens les plus pauvres (après impôts et transferts, et ajusté pour l’inflation) est passé de 12 400 $ à 14 500 $ entre 1976 et 2009. Mais l’écart avec le groupe des Canadiens les plus riches (composant le premier quartile) est passé de 92 300 $ à 117 500 $ dans l’intervalle, retient l’organisme indépendant d’études économiques. »

Dans son étude, le Conference Board utilise le coefficient de Gini pour mesurer le degré d’inégalité de la distribution des revenus. Avec un indice de 0,32 (pour l’année 2009), le coefficient indique que le Canada devrait redistribuer 32 % du revenu national afin d’atteindre une parfaite égalité dans les revenus. En effet, un indice à zéro signifierait que tous les Canadiens auraient le même revenu, alors qu’un indice à 1 indiquerait qu’une seule personne s’approprierait tous les revenus.

Le Canada aurait fait des progrès au cours des années 1980 dans la réduction des inégalités, avec un creux du coefficient de Gini à 0,28 en 1989. Mais elles se sont accrues au cours des années 1990. On peut voir dans le graphique suivant qu’au début des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990, l’évolution des inégalités mesurée par le coefficient de Gini était tendanciellement à la baisse. C’est à partir de la lutte contre les déficits du tandem Chrétien-Martin, qui en cinq ans ont réduit les impôts des particuliers et des entreprises de 100 milliards $, que le taux d’inégalité reprend sa tendance à la hausse puis se maintien à un niveau élevé par la suite.

La situation est appelée à empirer dans les années à venir, en raison des politiques de rigueur suivies aveuglément par les gouvernements actuels. Mais on remarque néanmoins que la récession de 2008 a déjà commencé à accentuer le phénomène de croissance des inégalités : le marché du travail est plus difficile pour les classes moyennes et populaires, alors que l’oligarchie des secteurs financiers et des ressources continue à s’en mettre plein les poches.

L’étude du Conference Board déplore également la montée de la pauvreté dans le segment des personnes plus âgées depuis le milieu des années 1990, après 20 ans d’amélioration à ce chapitre. Entre 2006 et 2009, ce serait 128 000 personnes âgées qui auraient rejoint les rangs des Canadiens vivant avec un faible revenu, 70 % d’entre elles étant des femmes. Ce constat renforce les craintes que nous avons nous-mêmes exprimées à ce sujet dans une note d’intervention de l’IREC portant sur les enjeux du logement social. En effet, étant donné l’importance croissante des ménages âgés, en particu¬lier les ménages d’une personne seule, et l’érosion graduelle des revenus de retraite, on peut prévoir que les 20 prochaines années seront marquées par une problématique de pauvreté chez nos aînés.