Le Rapport annuel de la CSI des violations des droits syndicaux de cette année est publié à une période où des changements radicaux surviennent dans le monde arabe dans la foulée de la mobilisation de la population pour ses droits démocratiques. Le non-respect des droits fondamentaux au travail dans ces pays et le fait que les pays ne soient pas parvenus à garantir des emplois décents à des millions de personnes, en particulier les jeunes, sont documentés dans le présent rapport. Ces tendances, particulièrement lourdes dans les pays arabes, ont constitué les principaux moteurs de la demande massive de réformes, mais le déni des droits au travail ne se limite aucunement au Moyen-Orient.
L’érosion continue des droits de syndicalisation et de négociation collective dans le monde entier est un point majeur du rapport de cette année, qui couvre 143 pays. La crise de l’emploi, déclenchée par la crise économique mondiale, se poursuit dans toutes les régions dans la mesure où les décideurs politiques n’ont guère su introduire les changements nécessaires à la création et au maintien d’emplois. Les gouvernements ont simplement adopté la rhétorique des entreprises sur le marché libre aux dépens non seulement des familles qui travaillent mais également de la stabilité et du futur de leurs propres économies nationales. Les grandes banques, la grande finance et les grandes entreprises ont été autorisées à dominer la politique gouvernementale, alors que le chômage, la pauvreté et l’insécurité continuent de croître. Les inégalités mêmes qui ont constitué une force motrice plongeant le monde dans la crise économique ne cessent de s’accroître, et les violations des normes fondamentales du travail sont la cause première de ces inégalités.
Alors que ces tendances mondiales s’accélèrent, les syndicats dans de nombreux pays sont confrontés à la répression la plus dure par les gouvernements et les employeurs. 90 personnes ont été tuées en 2010 pour avoir participé à des activités syndicales légitimes, et 75 autres ont fait l’objet de menaces de mort. Le présent rapport documente, en outre, quelque 2.500 détentions et 5.000 licenciements de syndicalistes. Bien d’autres cas n’ont pas été rapportés, en particulier en raison du climat antisyndical de crainte et d’intimidation dans lequel nombre de travailleurs/euses mènent leurs activités syndicales.
Cette année encore, la région des Amériques a été la plus meurtrière en raison du nombre toujours élevé d’assassinats en Colombie (49) et au Guatemala (10), outre 20 tentatives d’assassinats en Colombie et deux au Guatemala. Des assassinats ont également été enregistrés au Bangladesh, au Brésil, au Honduras, en Ouganda, au Pakistan, aux Philippines, au Salvador et au Swaziland. En Iran, un enseignant syndicaliste a été exécuté par pendaison à l’issue d’un simulacre de procès violant les normes les plus élémentaires de justice, en dépit de protestations internationales.
Au Belarus, en Birmanie, au Cambodge, au Djibouti, dans la Fédération de Russie, au Honduras, en Iran, au Népal, au Nicaragua, au Nigeria, au Mexique, aux Philippines, au Swaziland et au Zimbabwe, de nombreuses organisations syndicales ont continué d’opérer dans un climat de violence et de menaces constantes. Au Zimbabwe, une Commission d’enquête de l’OIT a confirmé que le gouvernement du Zimbabwe était responsable de violations systémiques et systématiques des droits syndicaux. À Djibouti, l’OIT a exprimé sa profonde préoccupation quant à l’absence patente de volonté de la part du gouvernement de régler plusieurs dossiers de violations des droits syndicaux.
Avant même les soulèvements populaires dans le monde arabe, les travailleurs/euses participant à des actions de grève et à d’autres activités syndicales ont fait face à la violence et aux arrestations. Encore une fois, ces actes d’intimidation ne se sont pas limités aux pays arabes. Le rapport comporte des cas enregistrés notamment au Bangladesh, en Corée du Sud, au Cambodge, en Égypte, aux Émirats arabes unis, en Inde, en Iran, au Nigeria, au Panama, aux Philippines, au Qatar, en Tunisie et au Yémen. En Iran, le gouvernement a manqué de tenir sa promesse de libérer Mansour Osanloo, dirigeant du syndicat des travailleurs de la compagnie d’autobus de Téhéran et a prononcé au moins sept autres peines de prison. Une personne a également été condamnée à une peine de châtiment corporel. Au Panama, quelque 700 personnes ont été blessées et 101 détenues lorsque les autorités ont réprimé les protestations des travailleurs/euses contre la suppression de garanties juridiques essentielles de la législation du travail.
L’interdiction totale du syndicalisme est restée d’application dans plusieurs pays, notamment en Arabie saoudite, en Birmanie et aux Émirats arabes unis, alors que des restrictions draconiennes au droit de grève et à d’autres formes d’activité syndicale ont rendu pratiquement impossible une représentation syndicale efficace. Dans certains secteurs, en particulier dans l’agriculture, le secteur public et le service domestique, les interdictions ou les restrictions aux activités syndicales ont privé les travailleurs/euses de représentation dans divers pays, tout comme les définitions trop générales des « services essentiels ». Le système d’un syndicat unique contrôlé ou soutenu par le gouvernement est également resté en place notamment en Chine, en Corée du Nord, au Laos, en Syrie et au Vietnam.
D’autres lacunes notables mises en exergue dans le rapport incluent une mise en œuvre insuffisante ou inexistante des législations du travail, notamment l’absence d’investissement dans l’inspection du travail, le traitement effroyable dont font l’objet les travailleurs migrants dans toutes les régions, en particulier dans les pays du Golfe, et l’exploitation de la main-d’œuvre principalement féminine dans les zones franches d’exportation dans le monde.
Certaines des économies les plus riches du monde figurent également dans le rapport, en particulier les États-Unis, où les atteintes aux droits de syndicalisation et de négociation collective déjà identifiées en 2009 et les années précédentes se sont, en réalité, intensifiées en 2010.
La défense et la promotion des droits de liberté syndicale et de négociation collective des travailleurs/euses constituent la principale mission de la CSI. Nos actions de solidarité directe avec les travailleurs/euses dont les droits sont bafoués au sein de forums internationaux, en particulier à l’OIT, sont et demeureront la toute première priorité de la CSI. Notre travail auprès des institutions internationales et dans le cadre d’événements à l’échelle mondiale – aux Nations unies, au G-20, aux Institutions financières internationales et dans d’autres instances – continuera de placer au premier plan ces droits fondamentaux, essentiels non seulement à la dignité humaine et à la justice sociale mais également pour mettre un terme à la pauvreté dans le monde et garantir un développement durable.
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