L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) rend public aujourd’hui un deuxième rapport de recherche produit dans le cadre de son programme de recherche sur les négociations en cours entre le Canada et l’Union européenne pour un accord de libre-échange. « L’analyse du chapitre sur l’investissement de l’AÉCG montre que l’économie générale du traité s’inscrit dans la foulée du Chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et vise une plus grande libéralisation des échan¬ges. Qui plus est, le modèle utilisé est le seul qui accorde un droit d’établissement pour les investisseurs étrangers, interdit les prescriptions de résultats et laisse présager un régime de règlement des différends qui permet aux investisseurs de porter plainte contre un État lié à l’Accord », a déclaré Alexandre L. Maltais, chargé de projet de l’IRÉC.
« L’objectif de l’AÉCG Canada-Union européenne n’est plus le développement économique, mais la mise en oeuvre doctrinaire de préceptes dont les bienfaits sont considérés comme automatiques. Le traité évacue la défense des intérêts supérieurs du Québec », a poursuivi le chercheur.
Après avoir analysé les principales caractéristiques du chapitre sur l’investissement, Alexandre Maltais a examine deux exemples concrets qui ont trait à la mise en place du « Plan Nord » du gouvernement québécois et à l’application des politiques environnementales.
Le Plan Nord
En interdisant l’utilisation de prescriptions de résultats par les différents ordres de gou-vernement, par exemple en matière d’embauche ou de formation de main-d’oeuvre locale, la formulation actuelle du projet de traité vient en contradiction avec la volonté exprimée par le gouvernement d’établir des objectifs de « développement et la formation de la main-d’oeuvre locale » lors de la mise en oeuvre du Plan Nord. Il en irait de même en ce qui a trait à l’établis¬sement de mesures visant à s’assurer que les nouveaux investissements étrangers contribuent au développement social. « Les prescriptions en matière d’emploi local permettraient de s’assurer que les créations d’emplois bénéficient au moins en partie aux populations nordiques, a sou¬ligné le chercheur de l’IRÉC. Les prescriptions en matière de formation de la main-d’oeuvre réduiraient également les coûts pour l’État et assureraient la transmission de nouvelles compé¬tences aux travailleuses et aux travailleurs québécois ».
Alexandre Maltais a rappelé que plusieurs pays parmi les plus développés comme la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la France et le Japon imposent des restrictions à la pro-priété étrangère afin de maintenir le contrôle par les nationaux et de protéger les rendements d’une industrie particulière. « Ces restrictions permettraient de rassurer les Québécoises et les Québécois qui craignent que leurs ressources naturelles ne soient « pillées » par les multinationales étrangères. Dans le passé, le Canada a déjà mis en place de telles politiques. Or, l’uti¬lisation de prescriptions de résultats est interdite par les dispositions de l’Accord », a constaté Alexandre Maltais.
L’environnement
Concernant l’environnement, le rapport relate l’expérience de l’ALÉNA qui contient des dispositions quasi identiques à l’AÉCG Canada-UE. Le chercheur a souligné qu’à l’époque où le Canada a signé l’entente, on n’avait aucune idée à quel point le onzième chapitre deviendrait problématique. « Des avocats « créatifs et astucieux » ont convaincu les tribunaux d’arbitrage d’interpréter certaines dispositions de manière totalement contraire à ce qui était anticipé par les négociateurs. Aujourd’hui, peu de gens se porteraient à la défense des dispositions de pro¬tection de l’investissement, jugées beaucoup trop favorables aux investisseurs », a expliqué le chercheur de l’IRÉC.
L’étude confirme que les clauses relatives à l’investissement feront obstacle aux politiques gouvernementales. « Force est de constater que les règles du Chapitre 11 sont difficilement conciliables avec les lois de protection de l’environnement puisque les investisseurs étrangers s’en servent pour contester la règlementation des États et que les objectifs environnementaux ne sont pratiquement jamais pris en compte dans les décisions d’arbitrage », a conclu Alexan¬dre Maltais.
Le rapport de l’IRÉC s’intitule « L’investissement dans l’Accord économique et com-mercial global Canada-Europe et ses conséquences pour le Québec ». Il propose une analyse de la dernière version du brouillon d’accord daté d’octobre 2010 et qui confirme l’existence d’un chapitre complet sur l’investissement bilatéral et le commerce des services. Le rapport est disponible sur le site de l’IRÉC.
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