Comme nous le disions dans le billet du 31 août dernier, la première série d’actions de la campagne organisée pour s’opposer au projet de pipeline Keystone XL, qui devrait traverser les États-Unis du nord au sud pour livrer du pétrole lourd provenant des sables bitumineux albertains vers les raffineries du Texas, visait à créer un événement. Et selon certains journalistes, ce fut la plus grande action de désobéissance civile depuis la période de lutte pour les droits civils dans les années 1970 : 1253 arrestations de citoyens, artistes, scientifiques, environnementalistes, provenant des États-Unis et du Canada, dont Gitz Deranger, membre de la première nation Chippewa d’Athabasca, en Alberta, qui était là pour témoigner des impacts dévastateurs des sables bitumineux sur l’environnement et la santé de son peuple.
Rien n’est pourtant gagné d’avance pour ce mouvement d’opposition. Le département d’État des États-Unis a en effet déjà publié son rapport final concernant l’évaluation environnementale du projet de pipeline, dans lequel il estime que les risques qu’il présente sont minimes. Les environnementalistes contestent cette évaluation qui, d’une part, ne tient pas compte des effets globaux d’émission de GES découlant de l’exploitation des sables bitumineux, et d’autre part, minimise les risques d’accidents et de déversement tout au long des 1 700 milles (près de 3 000 km) du pipeline, où on trouve plusieurs parmi les plus importantes sources aquifères de la région des plaines. Selon le New York Times, qui a pris position contre le projet, depuis 1990, plus de 110 millions de gallons de pétrole se sont répandus dans l’environnement suite à des déversements de l’industrie des pipelines des États-Unis.
Joe Romm, l’animateur du site Climate Progress, a comparé l’exploitation des sables bitumineux à « the biggest global warming crime ever seen. » À cause des sables bitumineux, le Canada devrait doubler ses émissions de GES d’ici 2020, en contradiction totale avec les efforts de la communauté internationale. Ce qui n’a pourtant pas empêché le secrétaire à l’Énergie des États-Unis, Steven Chu (prix Nobel de chimie), de déclarer que la construction de l’oléoduc serait probablement approuvée pour des raisons stratégiques, préférant accroître leur dépendance au pétrole canadien plutôt qu’au pétrole provenant des pays arabes. Mais à quel prix les États-Unis sont-ils prêts à assurer ainsi leur dépendance au pétrole ? Il est vraiment loin le temps où Barack Obama, pendant la campagne électorale, proclamait : « Let’s be the generation that finally frees America from the tyranny of oil. »
Maintenant que le département d’État a publié son rapport final sur l’évaluation environnementale du projet Keystone XL, l’administration fédérale s’est donnée jusqu’au 7-8 octobre pour entendre les parties prenantes en audiences publiques et d’ici la fin 2011 pour prendre une décision finale. Ce sera la plus importante décision du président Obama dans le domaine environnemental avant les élections de 2012. Cette décision, étant le privilège du président, n’a pas à être approuvée par le Congrès. Il en portera tout l’odieux. Le mouvement Tar Sand Action a mis en branle la deuxième série d’actions de sa campagne en déposant une pétition signée par 617 428 personnes s’opposant au projet. Il a reçu de nouveaux appuis, dont celui de l’ex-vice-président Al Gore qui a appelé Obama à refuser ce projet qui serait une grave erreur des États-Unis, illustrant son propos en signalant que « gasoline made from the tar sands gives a Toyota Prius the same impact on climate as a Hummer using gasoline made from oil. »
La semaine dernière, le mouvement d’opposition au projet a reçu un appui inattendu : le gouverneur républicain de l’État du Nebraska a écrit une lettre au président Obama lui demandant de ne pas autoriser le projet de pipeline en raison des risques sur les sources aquifères de son État.
À suivre.
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