Dans la sphère économique, c’est le secteur des assurances qui est le plus durement frappé par les changements climatiques. Indicateur précurseur des véritables coûts, de la réalité matérielle, des changements climatiques, le secteur des assurances peut jouer, étant donné son poids financier majeur, un rôle important dans la lutte au réchauffement. Mais il peut aussi jouer un rôle néfaste.
Pierre Lapointe, stratège mondiale chez Brockhouse Cooper, prévient que les coûts associés aux désastres naturels causés par les changements climatiques pourraient dépasser ceux des tremblements de terre au cours des prochaines années. Alors qu’un tremblement de terre coûte en moyenne 19,6 G$ par an depuis les 20 dernières années, les ouragans et les inondations, deux catastrophes qui sont de plus en plus fréquentes depuis quelques années, engendrent des dépenses respectives de 33,8 G$ et 19,8 G$. En plus des impacts directs qu’ils ont sur l’activité économique des régions touchées, ces derniers désastres entrainent généralement une baisse de la production alimentaire mondiale et une hausse du prix des denrées alimentaires, fait valoir le stratège dans un document envoyé à ses clients. Résultat : il recommande de surpondérer les denrées alimentaires, ouvrant la voie à une spéculation financière accrue !
Heureusement, les financiers responsables veillent au grain, pourrait-on dire. Le Ceres – une coalition de financiers principalement basés aux États-Unis – vient de lancer une campagne auprès des assureurs pour quantifier comment ces derniers gèrent les risques liés aux changements climatiques. Dans la première phase de cette campagne, ils ont découvert que seulement un assureur sur huit avait mis en place une politique formelle pour gérer les risques climatiques, malgré les évidences que le réchauffement climatique augmentait considérablement les pertes des assureurs.
Dans ce contexte, le Ceres propose que les autorités de surveillance imposent de nouvelles normes de gestion de risques à tous les assureurs du pays, d’une part, mais qu’un effort soit aussi fait, en amont, pour s’assurer que les investissements de ces institutions financières tiennent davantage compte des menaces climatiques. Il faut comprendre que les assureurs gèrent des sommes colossales, principalement sur un horizon de long terme. Le Ceres évalue qu’en 2008, l’industrie de l’assurance étatsunienne gérait 3,3 billions $ (milliers de milliards $) d’investissements, dont une part importante dans les infrastructures énergétiques. Par exemple, elle avait 139 milliards $ investis dans le secteur de la production d’électricité, ce qui veut dire, aux États-Unis, dans des entreprises à émissions élevées de CO2. Ce faisant, les assureurs nuisent doublement aux intérêts de long terme de leurs actionnaires : non seulement investissent-ils dans un secteur qui aggrave les risques climatiques, donc les risques de futures pertes assurance de dommages, mais ils ne tiennent pas compte du fait que ces investissements dans les énergies fossiles sont eux-mêmes risqués.
Le Ceres propose que les assureurs s’engagent dans une double démarche pour faire face aux risques climatiques : d’une part en augmentant leurs investissements dans les technologies propres, en particulier dans les énergies renouvelables; d’autre part en incitant leurs assurés – entreprises comme individus – à diminuer leur empreinte écologique.
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