L’auteur invité est Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d’Alternatives Economiques et rédacteur en chef de la revue L’Economie politique.
Du discours économique actuel des socialistes, synthétisé dans le premier débat des primaires du 15 septembre, il ressort qu’un gouvernement de gauche serait à l’origine de trois ruptures par rapport à la politique actuelle.
La politique économique
La première rupture concerne la politique économique : à l’austérité dans l’injustice fiscale actuelle succèderait la gestion budgétaire dans la croissance juste. On pourrait s’étonner d’un positionnement qui se veut à la fois adepte de la gestion rigoureuse des deniers publics et soutient dans le même temps que l’Etat peut soutenir la croissance. La façon de réconcilier les deux est pourtant simple : il suffit de supprimer des dépenses improductives, qui ne soutiennent en rien l’activité économique, pour les transformer en dépenses productives.
L’exemple le plus simple est celui des 4,5 milliards d’euros perdus dans la détaxation des heures supplémentaires en plein période de chômage élevé. Supprimer progressivement cette mesure pour créer des emplois d’avenir permettrait de mettre des personnes en difficulté dans l’emploi, ce qui soutiendrait l’activité en leur donnant un pouvoir d’achat qu’il s’empresserait d’utiliser. Les études du ministère du travail ont de plus montré que 86% de ceux qui, à la fin des années 1990, avaient bénéficié des emplois jeunes, avaient trouvé un travail 18 mois plus tard, dont plus de 85% d’entre eux en CDI.
Réaffecter ainsi de multiples niches fiscales dans des dépenses utiles à l’emploi et au soutien de l’activité tout en pénalisant les plus puissants (entreprises et individus) permet de ne pas avoir à dépenser plus, de faire de la croissance et de rendre plus juste le fardeau de l’ajustement budgétaire nécessaire. Faut-il aller jusqu’à se fixer un objectif de zéro déficit d’ici 2017 ? De ce point de vue, Martine Aubry a eu raison de plaider pour le réglage fin de la politique économique : on verra d’ici là où en est la conjoncture, les excédents budgétaires ne sont pas meilleurs en soit que ne le sont les déficits, ils peuvent être le signe d’une dégradation de la qualité des services publics et d’un manque d’investissements dans les infrastructures.
La régulation financière
La France a encouragé les efforts du G20 pour mettre en place un nouveau cadre de régulation financière. Elle se situait alors dans le prolongement du fameux discours de Toulon du président de la République du 25 septembre 2008 qui portait un message fort sur la nécessité d’une maîtrise politique de la finance. La France s’était même inscrite en pointe dans la lutte contre les paradis fiscaux.
Malheureusement, le gouvernement a ensuite changé son fusil d’épaule avec la claire intention de ne pas trop embêter ses amis banquiers. Il a mal transcrit la directive européenne sur les bonus pour ne pas contraindre les rémunérations des grands dirigeants de banque, la France refuse de demander aux banques de se recapitaliser pour être certain qu’elles pourraient subir des pertes sans que cela n’impacte trop sur leurs distribution de crédits à l’économie et le gouvernement est doucement en train de glisser, après l’Allemagne et le Royaume-Uni, vers une négociation avec les banquiers suisses pour les aider à préserver l’anonymat des contribuables, et donc leur secret bancaire, en échange d’un peu de recettes budgétaires.
Les socialistes affichent une volonté régulatrice plus marquée envers le monde de la finance. C’est plus ou moins exprimé de manière directe chez les deux principaux candidats et plus ouvertement chez Arnaud Montebourg. Certes, il ne suffira pas, comme le souhaite ce dernier, de simplement « interdire la spéculation ». Mais il porte un message qui continuera à être entendu pendant la campagne présidentielle, quelque que soit le candidat socialiste, et qui pourra se traduire en mesures techniques de régulation si la gauche l’emporte (quelles mesures ? Plus sur ce sujet bientôt).
La fin du tabou nucléaire
Enfin, la décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire a banalisé l’engagement des socialistes mais, là encore, le discours rompt fortement avec la situation actuelle. Se fixer comme objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité française est un renversement assez fort par rapport aux choix politiques français en ce domaine.
Doit-on simplement réduire la part du nucléaire et la stabiliser ou viser un arrêt total de toute production en ce domaine ? Il faudra de toutes façons passer par une première étape de réduction et, de ce point de vue, François Hollande a eu raison de faire admettre à Martine Aubry qu’à l’horizon 2025, la réduction était un premier objectif acceptable et qu’il reviendrait aux prochains présidents de la République, ceux ou celles de 2017 et après, de décider ce qu’ils veulent faire.
Les prochains débats du 28 septembre et du 5 octobre permettront d’en savoir plus sur les engagements de chacun vis-à-vis de ces trois ruptures et peut être d’en avancer d’autres, par exemple sur les questions sociales. A eux de jouer et de nous convaincre !
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