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Le samedi 23 avril 2022

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La mondialisation socialement durable, une responsabilité des États

L’auteur invité est Éric Desrosiers, journaliste économique au Devoir.

Les délocalisations peuvent être bénéfiques aux travailleurs. Tout dépend des politiques publiques, plaident deux spécialistes.

L’impact des délocalisations sur les travailleurs dépend de la nature des politiques de leurs gouvernements en matière d’emploi. Plus ces politiques publiques sont timides et plus les gains attribuables à ces transferts d’emplois à l’étranger resteront dans les poches des entreprises, rapportent des chercheurs. Mais le contraire est aussi vrai.

Les principaux intéressés ne s’y trompent pas d’ailleurs, rapportent les spécialistes américains William Milberg et Deborah Winkler dans l’un des chapitres d’un document de 320 pages intitulé «Rendre la mondialisation socialement durable» et publié conjointement par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le Bureau international du travail (BIT). Les populations tendent à avoir moins peur de la mondialisation là où elles peuvent compter sur des politiques publiques qui les aident à faire face à ses impacts sur le monde du travail.

«Les conclusions politiques générales confortent l’idée que le commerce, l’emploi et les politiques sociales doivent avancer ensemble, disent les directeurs généraux de l’OMC et du BIT, Pascal Lamy et Juan Somavia, en préface de l’ouvrage auquel ont contribué une quinzaine d’experts. Bien que la mondialisation apparaît comme une possible source de croissance et de réduction de la pauvreté, un ensemble de conditions doivent être en place pour en maximiser les bénéfices et compenser ceux qui sont touchés négativement.» De ce point de vue, constatent-ils, «il y a de bonnes raisons de croire que la mondialisation est compatible avec l’État providence et que, peut-être, ils se renforcent mutuellement».

À qui profitent les délocalisations?

La peur des délocalisations n’a pas cessé de croître ces dernières années dans les pays développés avec le développement des moyens de transport et de communication, la libéralisation des échanges commerciaux et l’entrée en force de nouveaux géants économiques, comme la Chine et l’Inde, à la main-d’oeuvre abondante et bon marché, rappellent William Milberg et Deborah Winkler. D’abord concentré dans les emplois manufacturiers peu qualifiés, le phénomène a commencé à s’étendre au secteur des services et à des emplois plus recherchés. Selon un chercheur, de 22 à 29 % de tous les emplois aux États-Unis seraient, par exemple, ainsi «délocalisables».

Ces transferts d’emplois vers l’étranger visent à réduire les coûts de production et par conséquent augmenter la rentabilité des entreprises. Ces gains de productivité peuvent, théoriquement, favoriser la croissance de la compagnie en particulier ou, plus généralement, de l’économie tout entière et amener la création d’autres emplois aussi bien, sinon mieux rémunérés. Mais dans l’immédiat, les délocalisations se traduisent par des pertes d’emplois dans le pays touché.

Les deux chercheurs ont évalué les gains réalisés par les entreprises grâce aux délocalisations dans une quinzaine de pays développés, avant de se pencher sur la façon dont ils ont été partagés, soit en augmentation de salaires et des emplois, soit en simples hausses des profits. Ils ont constaté que ce partage variait d’un pays à l’autre en fonction de leurs politiques en matière d’emploi.

Les pays anglo-saxons, comme les États-Unis, dont les règles d’embauche et de mises à pied sont les plus souples et les programmes d’aide financière et professionnelle aux chômeurs sont les plus minces, se révèlent les endroits où la plus grande part des gains réalisés restent dans les poches des entreprises. Les régimes méditerranéens portugais ou espagnols, avec leurs règles rigides et leur aide un peu plus généreuse aux chômeurs, ne font guère mieux, entre autres parce qu’il y est tellement compliqué de mettre des employés à pied que les entreprises n’osent pas embaucher lorsque l’occasion se présente.

La situation est tout le contraire dans les pays d’Europe du Nord, qui ont adopté le modèle dit de «flexicurité». Les règles d’embauche et de mise à pied y sont très souples, mais les travailleurs peuvent compter sur des prestations d’assurance-chômage généreuses ainsi que d’importants moyens les aidant à se recaser ou se recycler. Là-bas, les délocalisations ont véritablement un effet positif, tant pour les profits que pour les emplois et les salaires. Ces pays modèles sont suivis un peu plus loin par les régimes rhénans, comme en Allemagne et en Autriche, où les travailleurs peuvent compter sur une aide solide de l’État, mais où les règles manquent encore un peu de flexibilité, constatent les chercheurs qui n’ont pas pu se pencher sur le cas du Canada faute de certaines données statistiques.

Pas si bêtes

D’autres facteurs auraient également pu être pris en compte, notent William Milberg et Deborah Winkler. Il a été établi, par exemple, qu’un fort taux de syndicalisation assure de meilleures retombées économiques des délocalisations, particulièrement dans les pays au marché du travail flexible.

C’est à cette étape que nos chercheurs ont regardé la perception que les populations ont de la mondialisation et des délocalisations et ont constaté que l’insécurité la plus grande se retrouvait dans les pays où leurs impacts réels ou probables sont les plus défavorables aux travailleurs. Contrairement à ce que l’on entend dire parfois, la résistance populaire à la mondialisation ne vient pas, dans ce cas, d’une mauvaise information ou d’une peur irrationnelle, observent les deux experts. «La perception et la réalité sont liées.»

[L’étude de Milberg et Winkler fait partie d’un ouvrage publier conjointement par le BIT et l’OMC. Pour télécharger ce document, cliquez ici.]

Pour lire ce texte au complet, on va sur le site du quotidien Le Devoir

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