La Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI), relais international des coopératives membres du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), a accompagné depuis sa naissance en 1985 quelques 600 projets dans des domaines aussi variés que les ressources forestières ou le commerce équitable de différents produits du secteur agro-alimentaire dans une quarantaine de pays. Exploration d’une expérience de 10 ans de collaboration avec des communautés paysannes en Bolivie.
«Lorsqu’on met les efforts et les ressources suffisantes pour rejoindre les populations là où elles se trouvent, c’est-à-dire dans le milieu rural et dans le secteur agricole, on peut lutter de façon efficace contre la pauvreté et commencer à rêver d’un monde plus juste, plus solidaire et plus équitable», nous affirmait en entrevue Réjean Lantagne, directeur général de SOCODEVI, en référent au projet d’appui de son organisation à l’émergence de nouvelles coopératives dans le secteur des produits agroalimentaires (des épices, des condiments et des huiles essentielles) en Bolivie.
C’est depuis 1998 que SOCODEVI, avec le soutien de coopératives agricoles d’ici, a entamé un projet d’appui aux producteurs agricoles de la région de Chuquisaca et de Tarija, dans ce petit pays d’Amérique latine, projet qui visait au point de départ la diversification des activités génératrices de revenus de groupes de paysans boliviens. Générer des revenus additionnels pour les agriculteurs, grâce à l’augmentation des superficies dédiées à la diversification des cultures de l’origan et d’autres épices présentait un grand défi de viabilité économique sans oublier la nécessaire mise en œuvre de pratiques favorisant la protection de l’environnement. Ce double défi a été relevé en partie par une coopération Nord-Sud (Québec/Bolivie) bâti au fil d’une décennie entre membres de SOCODEVI d’une part et membres de coopératives boliviennes d’autre part. En outre, le projet visait à ce que cette production soit transformée sur place et commercialisée par les mêmes coopératives.
Mais pour atteindre ce dernier objectif, il fallait obtenir des volumes et une qualité de production suffisamment intéressants pour accéder à des marchés d’exportation dans les pays de la région. Les priorités du projet ont finalement été dirigées en bonne partie vers le renforcement des capacités techniques des coopératives elles-mêmes, notamment des capacités de création et de gestion d’une entreprise commerciale.
Les résultats, sur 10 ans, furent probants : plus de 1 000 familles de 93 communautés dans huit municipalités du Sud-Est de la Bolivie ont doublé leurs revenus grâce à la diversification de leur production agricole. D’autre part, le nombre d’agriculteurs membres de ces coopératives n’a cessé de croître. De plus la certification «bio» a permis de commercialiser leurs produits sur des marchés de niche. Ainsi, la coopérative commerciale créée est devenue la principale entreprise exportatrice de produits agroalimentaires de la région avec des exportations en Uruguay, en Argentine et au Brésil. Des études de marché et des essais se poursuivent aujourd’hui pour étendre la production à d’autres herbes aromatiques telles que le thym, le cumin et l’anis, ainsi qu’à des essences dérivées de ces plantes.
En 2005, la Fondation Valles, SOCODEVI et Agrocentral ont ainsi créé une coentreprise «Unidad de Negocios de Especias y Condimentos» (UNEC) qui a pris en charge la production, la transformation et la commercialisation de l’origan et des autres épices cultivées par les agriculteurs membres des coopératives concernées. C’est ainsi que la combinaison d’une participation active des dirigeants coopératifs, la volonté des agriculteurs ainsi que l’appui de SOCODEVI et de la Fondation Valles,une ONG bolivienne intervenant dans le développement rural participatif, a rendu possible la création d’une nouvelle agro-industrie dans cette région de la Bolivie. Ce projet a même décroché, en 2006, le Prix canadien d’excellence en coopération internationale dans la catégorie des projets de renforcement des capacités de petites et moyennes entreprises dans les pays en développement, prix octroyé par l’ACDI et l’Association canadienne des manufacturiers et exportateurs. Le budget de cette réalisation s’élevait à 1,4 millions $ sur une période de 8 ans dans un partenariat de réalisation établi de concert avec Agrocentral et toutes ses coopératives affiliées. Ces dernières années, cinq autres projets, initiés par les mêmes coopératives d’Agrocentral, ont été appuyés, au plan technique et financier, par des coopératives agricoles d’ici membres de SOCODEVI : trois projets de construction de poulaillers de pondeuses et deux autres dans le secteur du porc.
Il faut retenir de cette expérience et de tous ces projets de soutien à des communautés du Sud un seul et unique fil rouge : l’orientation de toutes ces initiatives de coopération au développement n’est pas «la lutte contre la pauvreté» au sens où on l’entend dans la plupart des programmes de l’ONU, mais plutôt la lutte contre la dépendance économique. La distinction est importante : c’est la matrice d’origine du modèle de développement coopératif et mutualiste québécois depuis ses origines. L’effet est majeur parce qu’en offrant aux communautés du Sud des dispositifs économiques de nature collective susceptibles d’assurer le contrôle de leur propre développement, cela leur permet de se défaire elles-mêmes de la pauvreté et nous de voir qu’on peut faire autre chose que du travail d’aide humanitaire qui navigue à vue.
Sources : recherche Ernesto Molina, ARUC-ISDC (UQO) et ARUC-DTC (UQAR); SOCODEVI (site internet); Fondation VALLES (site internet).
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