L’auteur invité est Renaud Ledoux, coordonnateur à la Coalition québécoise contre les ateliers de misère (CQCAM)
Le 7 octobre marque la Journée mondiale pour le travail décent. On ne peut le nier, une franche importante des femmes et des hommes de la planète vivent dans l’insécurité et la précarité au quotidien. Selon l’ONU, un travailleur sur cinq et sa famille vivent dans l’extrême pauvreté. Qu’ils soient appauvris par la récente crise financière, d’ici ou d’ailleurs, contraints à la migration pour fuir les conflits et la pauvreté, ou bien ignorés par un système d’accumulation et d’enrichissement qui ne se souci guère de la protection sociale des collectivités, ces oubliés du développement ont des droits fondamentaux. Nous sommes de ce développement, il faut se responsabiliser.
Une société durable, ça part de nous !
Comme consommateur, on ne peut pas demander le plus bas prix, sans qu’il y ait des conséquences sociales et environnementales à l’autre bout de la chaîne. Et cette interdépendance qui forge nos solidarités nous rappelle la nécessité de l’engagement citoyen dans nos sphères d’influence, dans nos familles et avec nos amis, ainsi que dans les organisations auxquelles nous participons comme militants et travailleurs.
En cette journée, partout dans le monde, des syndicats et des groupes de défense des droits des travailleurs et des travailleuses ont décidé de ne pas s’aveugler devant cette situation devenue insoutenable. Ils demandent à leurs gouvernements d’agir pour un développement durable en tenant compte des aspects sociaux du développement. Les normes fondamentales du travail, c’est le minimum. Toute personne dans le monde devrait pouvoir vivre dignement par un travail décent lui permettant de répondre à ses besoins essentiels.
Déjà en 1987, le rapport Brundtland soutenait que le travail était un besoin fondamental à satisfaire. « Dans de nombreuses situations, l’amélioration des conditions de travail, le respect du travail décent peuvent être des outils permettant l’expansion économique. », souligne Rémi Bazillier, économiste.
Cette journée est une occasion de rappeler aux gouvernements et aux employeurs leurs responsabilités au chapitre de l’amélioration des conditions de travail qui sont directement liées à notre qualité de vie sur notre planète.
Par quels moyens doit-on s’engager ?
Afin de contribuer à l’amélioration de la qualité des emplois, de plus en plus d’organisations choisissent de se doter de Politiques d’approvisionnement responsables (PAR). La Coalition québécoise contre les ateliers de misère (CQCAM) s’est donnée pour mission de promouvoir l’adoption de ces PAR afin d’assurer le travail décent. Véritable outil de gestion de nos activités, agissant comme politique dans l’orientation de notre consommation, une PAR fait ce lien entre l’environnement et les conditions de travail.
La Loi québécoise sur le développement durable, adoptée à l’unanimité des membres de l’Assemblée nationale en 2006, reconnaît « le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement ».
Cinq ans plus tard, où en sommes-nous ?
Malgré l’adoption de cette loi, la CQCAM constate la faiblesse des politiques publiques québécoises en matière d’approvisionnement responsable. Par exemple, la politique d’acquisition écoresponsable du gouvernement du Québec n’inclut aucun critère social pour l’acquisition de ses produits. Ainsi, l’État ne se donne aucun outil pour être en mesure de déterminer si les biens consommés par ses institutions ont été produits dans des conditions de travail décentes.
Comment savoir alors si l’État québécois et nos organisations publiques participent à l’existence des ateliers de misère? Devrions-nous être responsables de notre participation financière, par nos contributions en taxes et impôts, à cette misère organisée ? Les exemples sont si nombreux et les abus trop souvent oubliés.
La situation au Québec
En lançant sa quatrième recherche en mai 2011, L’approvisionnement responsable : un défi pour les organisations publiques québécoises, la CQCAM a constaté que les organisations publiques québécoises accusent un retard par rapport à plusieurs entreprises du secteur privé étudiées en 2010. Parmi les cas étudiés, à l’exception de la CSDM, aucune commission scolaire, aucun cégep ou établissement de santé n’avait de politique d’approvisionnement responsable. Plusieurs de nos organisations publiques ne peuvent même pas discerner la provenance des biens consommés, ni les effets que cette consommation engage dans l’indécence au travail.
La CQCAM constate un manque de cohérence entre les énoncés des politiques administratives de l’État québécois et les pratiques des organisations publiques. Les initiatives demeurent volontaires pour chaque organisation, et ce, malgré le fait que le gouvernement québécois ait adopté une politique et une stratégie de développement durable.
Nos exigences
Convaincue qu’une Politique d’approvisionnement responsable (PAR) demeure un moyen concret pour éliminer l’indécence au travail, la CQCAM pose des exigences au gouvernement du Québec.
Premièrement, nous réclamons l’intégration des aspects sociaux du développement durable aux pratiques d’approvisionnement de l’État. C’est-à-dire reconnaître ces aspects comme fondamentaux.
Deuxièmement, il est impératif d’assurer un dialogue avec les membres de la société civile québécoise pour développer des critères sociaux en termes d’approvisionnement responsable, notamment au sein du Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs.
Troisièmement, il est plus que nécessaire de soutenir les décideurs des organisations publiques québécoises afin d’assurer une meilleure articulation entre les politiques de l’État et les pratiques de ces organisations. Donc, se doter de moyens par une législation plus contraignante.
Quatrièmement, le gouvernement du Québec doit financer la recherche, l’éducation et la sensibilisation du public sur les dimensions sociales du développement durable, notamment via le Fonds d’action québécois pour le développement durable (FAQDD), afin de multiplier les effets de nos pratiques et ainsi assurer l’amélioration continue de notre société.
Dans ce contexte, la Coalition québécoise contre les ateliers de misère (CQCAM) entend sensibiliser et mobiliser la population québécoise sur les aspects sociaux du développement durable par le lancement de sa nouvelle campagne « Les oubliés du développement durable ».
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