Même si le représentant du Québec aux négociations de l’AÉCG nous annonce leur fin heureuse (!!!) d’ici les fêtes, ce qui reste possible étant donné le formidable potentiel de gains alléchants pour les grandes entreprises qui sont les véritables gagnants de cet accord, je ne suis pas sûr que les parlements vont voter son approbation comme une lettre à la poste.

Dans le Devoir de la semaine dernière, Pierre-Marc Johnson nous annoncent quelques crisettes politiques sans importances pour régler les détails de l’entente. On ne peut s’attendre à rien d’autre puisque tous les gouvernements en place actuellement sont d’une servilité totale face aux lobbys des puissants groupes d’intérêts, ce 1% de la population qui, depuis les dix dernières années, abusent avec arrogance de leur pouvoir. Jean Charest lui-même renchérit devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. « Je suis assez optimiste quant au fait que l’on puisse arriver à une entente de principe très rapidement, possiblement d’ici Noël, sinon dans les semaines, ou les deux à trois mois qui suivront. »

Mais c’est justement une fois que sera dévoilé le libellé de ce traité, avec ses répercussions économiques et sociales, que les populations, les organisations de la société civile et les partis d’opposition pourront prendre la vrai mesure de ce qui est proposé. Dans le contexte socioéconomique actuel, où le système financier européen est sur le bord de l’effondrement, l’AÉCG est une absurdité. Cet accord ne ferait que propager les ondes de chocs d’un possible « tsunami » économique : avec une plus grande ouverture aux marchés dans les services et les marchés publics, les entreprises québécoises et canadiennes feraient face à une concurrence sauvage des entreprises européennes en situation de crise.

Tout ça dans un contexte où nous voyons même les organisations économiques internationales remettre en question les supposés bienfaits du libre-échangisme à tout crin. Après trois décennies de marche forcée vers une mondialisation sans frontière, les bilans ne sont pas toujours positifs. On découvre, par exemple, que la mondialisation a accru la propagation de la dernière crise financière (selon Olivier Blanchard, chef économiste au FMI, l’élasticité du commerce mondial à une variation du PIB mondial a augmenté au cours des dernières décennies) et qu’elle tue plus d’emplois qu’elle n’en crée.

Le protectionnisme serait la solution? Faux. Les pensées magiques, avec leurs solutions universelles uniques – que ce soit le libre-échange ou le protectionnisme – ne sont jamais les meilleurs choix. Nous n’avons pas à choisir entre les extrêmes. N’oublions pas que le Québec fait partie, avec les pays scandinaves, du groupe des petites économies très ouvertes au commerce. Par ailleurs, vouloir diminuer notre dépendance envers les États-Unis dans un contexte de déclin tendanciel de ce dernier pays n’est pas, en ce qui me concerne, un objectif à rejeter du revers de la main. D’autant plus que l’Europe est avant-gardiste dans la lutte au réchauffement. Mais les mesures à prendre pour y parvenir doivent être au service des populations et non au service des grandes multinationales prédatrices. Or c’est bien ce que nous propose l’AÉCG.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un nouveau modèle de développement, avec une croissance fondée sur l’immatériel, sur le développement des circuits courts et des valeurs ajoutées qui intègrent les dimensions sociales et environnementales. À l’heure où le modèle de « l’Europe marchande » est sérieusement remis en question par une gauche plus revendicatrice, l’AÉCG est le pire des choix qui pourraient être fait.