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Le samedi 23 avril 2022

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AÉCG : les entreprises ne feront pas la loi

Déclaration conjointe des organisations sociales du Québec et de la France. Octobre 2011

Nous, syndicats, organismes et associations signataires appelons nos responsables politiques à interrompre immédiatement les négociations en cours pour la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada.

Cet accord, appelé Accord économique et commercial global (AÉCG), est une véritable offensive pour libéraliser les services publics, affaiblir et empêcher les réglementations sociales, sanitaires et environnementales et protéger toujours plus les droits des investisseurs aux dépens des droits démocratiques.

À la veille de l’ouverture de la neuvième table de négociations en vue de la conclusion d’un accord début 2012, nos organisations disent NON à cet accord négocié pour le seul bénéfice des entreprises multinationales et aux dépens des droits des populations et de la protection de l’environnement.

Un accord négocié en secret et sans consultation de la société civile, à l’exception des gens d’affaires

Tant l’Union européenne que le Canada n’ont pas tenu leur population au courant des enjeux de la négociation. Les offres et les demandes de chacune des parties n’ont pas été discutées, ni rendues publiques. C’est donc dans un flagrant déni de démocratie que se déroulent les négociations.

Un accord qui signe le retour en force de l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement) et reconduit le chapitre 11 de l’ALÉNA en lui donnant une portée plus grande

L’Accord UE-Canada prévoit en effet d’intégrer une disposition de « protection des investissements » inspirée du très controversé chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) négocié en catimini, en 1998, dans le cadre de l’OCDE et rejeté à la suite de très fortes mobilisations de la société civile.

Cette clause prévoit un mécanisme d’arbitrage qui permettrait à une entreprise de poursuivre directement un État ou une collectivité locale en Europe, les gouvernements fédéraux, provinciaux et municipaux au Canada, si une réglementation la privait de bénéfices escomptés. Ainsi, une entreprise pourrait contester auprès de tribunaux d’arbitrage internationaux privés des dispositions réglementaires pourtant élaborées de manière démocratique par des gouvernements élus.

Une telle disposition représente une grave menace sur le pouvoir de régulation des autorités élues et sur nos droits démocratiques, en donnant le pouvoir aux entreprises multinationales de poursuivre les États lorsqu’elles voient comme des obstacles des lois conçues pour protéger l’intérêt général. Elle risque également de décourager les gouvernements à l’effet de prendre certaines mesures face aux menaces d’un possible recours devant ces tribunaux d’arbitrage.

Un accord qui entraînera une ouverture des marchés publics au Canada à tous les niveaux de gouvernement

Les Européens ont posé comme condition des négociations de l’AÉCG un accès sans restriction aux marchés publics canadiens. Ils demandent une plus grande ouverture qui forcera une multitude d’entités publiques sur la scène fédérale, provinciale et municipale au Canada à lancer (dans le respect de certains seuils) des appels d’offre ouverts aux multinationales européennes. Des règles strictes ne permettront plus de se servir des marchés publics, soit de l’argent des contribuables, comme outil de développement local favorisant des entreprises, emplois et produits locaux, ni d’adopter des normes environnementales ou sociales élevées.

Cette ouverture toujours en faveur de plus d’implication du privé et de la privatisation de services est d’autant plus inacceptable qu’elle est négociée dans le contexte d’une perte d’expertise et d’éthique démocratique en matière de marchés publics, ce qui est au cœur d’une grave crise actuellement au Québec.

Un accord qui ouvre la porte à la libéralisation indiscriminée des services publics à travers l’approche dite de « la liste négative »

Les États sont invités à soumettre à la négociation l’ensemble des secteurs de services sauf ceux qui sont nommément et explicitement désignés dans une liste que chaque gouvernement dresse à cette fin. Dans ces conditions, un secteur non exclu est forcément réputé libéralisable. Par le procédé de négociations par « liste négative », tous les autres secteurs sont dès lors couverts par l’accord, que ce soit parce qu’ils ont été oubliés ou qu’ils n’existaient pas au moment de l’entente. Autrement dit, l’UE et le Canada pavent la voie à une libéralisation des services d’une ampleur non-maîtrisée.

De plus, ni l’UE, ni le Canada n’ont informé leur population de cette liste et n’ont aucune intention de le faire. Voilà un manque de transparence inacceptable.

Un accord qui porterait fortement atteinte aux pouvoirs de régulation des autorités étatiques, provinciales, municipales et locales

L’accord risque de pousser les gouvernements à faire de l’autocensure en matière règlementaire dans des domaines comme les politiques sociales, régionales ou environnementales à cause de la prérogative accordée aux investisseurs qui peuvent intenter des poursuites devant des tribunaux d’arbitrage internationaux s’ils jugent que les politiques en question constituent des entraves au commerce ou des obligations de résultats ou encore peuvent être assimilées à une expropriation. Advenant la privatisation d’un service – tel que la gestion de l’eau – l’accord rendrait très difficile la décision du gouvernement de revenir en arrière et re-municipaliser ce service pour le bien-être de la population.

Un accord visant à affaiblir les réglementations sociales, environnementales et sanitaires

Le Canada estime que les normes européennes sont trop complexes et considère notamment le principe de précaution comme une mesure protectionniste. Les réglementations environnementales et sanitaires mises en place par l’Union européenne sont dans le collimateur du gouvernement canadien.

Sous la pression des multinationales d’extraction pétrolière, les négociateurs canadiens sont particulièrement offensifs sur la question du pétrole extrait des sables bitumineux, l’un des plus polluants et qui contribue grandement au réchauffement climatique. Ils souhaitent que l’UE lève les entraves à son importation en Europe, et font d’importantes pressions contre la directive européenne « Qualité des carburants », paralysant ainsi les efforts de lutte contre les changements climatiques. Avec l’AÉCG, les entreprises pétrolières pourraient à leur guise exploiter ces sables bitumineux au Canada et vendre ces carburants très polluants sans aucune restriction!

La même logique est à l’oeuvre pour les réglementations relatives au bœuf traité aux hormones et à la directive REACH (réglementation stricte sur les produits chimiques) que le Canada cherche explicitement à affaiblir.

Plus généralement, toute mesure environnementale, sanitaire, y compris sociale, sera désormais sous pression face à la menace d’un recours devant un tribunal d’arbitrage par une entreprise implantée précédemment dans le pays. Cela est d’autant plus pernicieux que cet accord vise clairement à une mise en concurrence des règles sociales, environnementales et sanitaires du Canada et des pays européens, qui se traduira par un nivellement des normes par le bas et sans retour en arrière possible. Les droits des travailleurs européens, plus protecteurs que ceux garantis au Canada – non signataire de nombreuses conventions de l’OIT – risquent d’en être les premières victimes. Par ailleurs, les multinationales européennes vont pouvoir se précipiter sur les nombreux services toujours publics au Canada.

Un accord qui renforcerait les droits de propriété intellectuelle aux dépens de souveraineté alimentaire et du droit à la santé

L’UE demande que le système canadien s’aligne sur le régime européen qui accorde une durée de protection des brevets plus importante. Cela se traduirait par un renforcement des droits de propriété sur les semences et les agriculteurs pourraient se voir interdire de conserver, de réutiliser et vendre leurs semences, les mettant ainsi plus que jamais sous la dépendance des agro-industriels et des entreprises de biotechnologie.

Cet allongement des droits de propriété intellectuelle aura également de lourdes conséquences sur le droit à la santé puisqu’une telle disposition retarderait la mise sur le marché des médicaments génériques et augmenterait considérablement le coût des médicaments. Ce renchérissement se couplerait avec l’ouverture de marchés publics dans le domaine de la santé aux investisseurs européens, bien plus préoccupés par leur santé financière que par celle des citoyens canadiens, et l’affaiblissement souhaité des mesures négociées dans l’ALÉNA qui protègent le système de santé public canadien.

Un accord qui mettrait en péril la diversité culturelle

Actuellement le secteur de la culture ne fait l’objet d’aucune exception et est partie intégrante de l’accord, ce en dépit du fait que les deux parties ont été les défenseurs de la Convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO, visant à protéger l’« exception culturelle ». Cela est inacceptable et il est fort à craindre que la diversité culturelle ne saurait résister à une large marchandisation et à la prédominance des puissantes industries culturelles.

Conclusion

Cet accord est une régression démocratique et sociale puisqu’il laisse aux entreprises la possibilité de placer les États et les gouvernements locaux en Europe, les gouvernements fédéraux, provinciaux et municipaux au Canada, sous un chantage permanent, celui de les poursuivre et d’obtenir leur condamnation s’ils réglementent les activités que ces entreprises convoitent. Cet accord aura de lourdes conséquences sur l’environnement en facilitant la perpétuation d’un système productiviste et extractif dont nous savons qu’il est un échec et une menace pour l’avenir de l’humanité.

L’accord vise à instaurer une zone de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada qui conduirait à une harmonisation vers le bas des normes en matière de protection sociale, de régulations environnementales, sanitaires et autres politiques sociales.

Face à ces graves menaces, nous, syndicats, organismes et associations signataires déclarons:
• qu’il n’est pas question d’accepter aujourd’hui ce que déjà, collectivement, nous avons su refuser ;
• que des accords de commerce doivent promouvoir la coopération et placer le bien commun, l’intérêt public et le respect des droits humains et environnementaux avant les intérêts privés à courte vue des seules entreprises transnationales;
• que la démocratie ne saurait être compromise par un tel accord de commerce et que les règles sociales et environnementales doivent demeurer du ressort de décisions publiques, transparentes et démocratiques.

Nous appelons les élus du Parlement européen et des parlements nationaux, les élus canadiens tant sur le plan fédéral que provincial, à refuser de ratifier l’AÉCG et à faire oeuvre de transparence sur un tel accord qui brade les droits sociaux, menace les réglementations environnementales et, plus largement, la démocratie.

On peut lire cette déclaration, avec la liste des signataires, sur le site d’Attac-Québec

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