Dans un texte précédent j’ai démontré que les grands pays développés (Union Européenne et États-Unis) sont en train de mettre en place des droits compensateurs qui permettront de taxer les produits provenant de pays qui pratiquent du « dumping environnemental ». C’est maintenant au tour de l’OMC d’admettre la légitimité de telles mesures
Reprenons brièvement l’argumentation : étant consciente que le paquet Énergie-Climat (qui comprend la taxe sur le carbone en Europe) risquait de mettre les entreprises européennes dans une situation concurrentielle défavorable face à des pays dans lesquels la réglementation sur la protection du climat est beaucoup moins restrictive, la Commission européenne envisageait la possibilité d’une taxe à la frontière. Pour plusieurs, cette taxe devait permettre d’éviter les menaces de « fuite de carbone », c’est-à-dire la délocalisation des industries européennes les plus polluantes vers des pays tiers, avec ses conséquences néfastes en terme de compétitivité et d’emploi. Sans une telle mesure, c’est l’efficacité même du plan européen de lutte contre le réchauffement climatique qui était remise en cause, puisque les émissions de gaz à effet de serre, simplement déplacées, continueraient à être nocives au niveau mondial.
Les réactions des pays en développement ont été sévères. L’ambassadeur indien à l’OMC, Ujal Singh Bhatia, a menacé l’Europe de représailles, déclarant que « des mesures unilatérales à ce stade créeraient des contentieux et [susciteraient] des accusations de protectionnisme. […] Si les pays imposant de telles mesures invoquent les dispositions du Gatt pour les justifier, le mécanisme de règlement des différends de l’OMC affronterait de sérieux problèmes, ce qui créerait des divisions le long des lignes Nord-Sud. »
Or, la publication d’un rapport commun de l’OMC et du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) sur les liens entre « commerce et changement climatique » change la donne. Les experts reconnaissent que l’introduction de taxes ou de systèmes de quotas d’émissions pour les industries polluantes génère un coût pour les entreprises qui les supportent au détriment de leur compétitivité. Donc que de tels mécanismes d’ajustement aux frontières pour mettre sur un pied d’égalité les industries nationales, qui sont taxées, et les concurrents étrangers, qui ne le sont pas, est une option qui est inscrite dans les règles de l’OMC et qui est d’ailleurs déjà utilisé pour plusieurs produits.
Selon ce rapport, il est tout à fait légitime que l’environnement puisse bénéficier d’un régime d’exception. « Les membres de l’OMC peuvent adopter des mesures incompatibles avec les disciplines du GATT [accord général sur les tarifs douaniers] mais nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, ou à la préservation des végétaux ».
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