En septembre, la Société de transport de Laval (STL) annonçait qu’elle se portait acquéreur d’un autobus de taille régulière entièrement électrique, une première au Québec. L’autobus est produit par le fabricant étatsunien DesignLine. Il est équipé de batteries qui lui donnent jusqu’à 250 km d’autonomie. Selon la STL, cette initiative s’inscrit dans le cadre du plan du gouvernement québécois d’électrification du transport collectif au Québec et du Plan d’action 2011-2020 sur les véhicules électriques (PAVE), annoncée en avril dernier.

C’est vraiment incroyable ! Alors que le Québec possède toutes les compétences pour développer une grappe industrielle dédiée au développement des équipements de transport collectif électrique (technologie des piles au lithium et du moteur-roue, fabricants d’autobus, etc.), on ne trouve rien de mieux à faire que de favoriser l’achat de produits provenant des États-Unis. Le problème, c’est que nous avons un gouvernement qui tient un discours développementaliste, voire interventionniste, mais que dans les faits, il agit contre les intérêts d’un développement économique durable du Québec en laissant faire le marché.

Prenons par exemple le PAVE : ce plan aurait dû être mis en place il y a au moins cinq ans, dès que les prix du pétrole ont commencé à augmenter. Il faudrait, en outre, lui accorder beaucoup plus de ressources que les maigres 25 millions $ annuels pour avoir une véritable influence sur le développement d’une grappe spécialisée. Dans une note d’intervention que l’IREC va bientôt publier, portant sur les coûts de notre dépendance au pétrole, nous établissons que les Québécois vont accorder, avec leurs taxes versées au fédéral, un effort 17 fois plus important pour soutenir le développement des sables bitumineux de l’Alberta ! Pour combattre notre dépendance au pétrole, il faudrait donc faire un effort beaucoup plus important en faveur des VE.

Pour être un véritable succès, sur tous les plans, une stratégie d’électrification des transports au Québec doit non seulement viser à développer les infrastructures de transport collectif électrifié, il doit également s’inscrire dans une reconversion du système productif, en tout premier lieu (mais pas exclusivement) dans le secteur des équipements.

Selon une vaste étude conduite aux États-Unis sous les auspices du Brookings Institute, la reconversion vers une économie à faible intensité carbone (économie ‘propre’ ou ‘verte’) a des effets structurants importants sur les secteurs manufacturiers, dans la mesure où 26 % des emplois verts se retrouvent dans ces secteurs (contre moins de 12% dans l’économie en général), et sur des emplois à forte valeur ajoutée (deux fois plus que l’économie actuelle). L’étude démontre également que, même si on ne peut pas réduire l’économie verte à des emplois pour les pauvres, on y trouve néanmoins une proportion plus élevée de travailleurs sans éducation supérieure, tout en offrant des salaires plus élevés que la moyenne actuelle. L’économie verte aurait par ailleurs des effets structurants élevés dans les régions où existent des synergies entre les diverses composantes des grappes qui la composent. Enfin, l’étude conclut que cette économie devrait connaître une croissance phénoménale dans les années à venir en raison des besoins urgents de lutter contre les changements climatiques.

Pourquoi, alors, le gouvernement n’engage-t-il pas une vraie stratégie de reconversion écologique de l’économie québécoise ? Tout simplement parce que, dans le fond, ce n’est rien d’autre qu’un gouvernement non interventionniste, soumis aux divers lobbys dominants, dont celui du pétrole et du gaz.