Bien sûr que le système bancaire canadien est l’un des meilleurs au monde. À quelques différences près, il est resté le même que celui créé dans la foulée de l’après-guerre, conçu dans un cadre réglementaire rigide, favorisant une concentration poussée des entreprises. Alors qu’ailleurs dans le monde anglo-saxon on imposait une ouverture de la finance, avec une concurrence forcenée entre les institutions, le Canada a conservé un système bancaire oligopolistique. À quelques différences près, disions-nous : il a laissé ces entreprises abuser de leur position de monopole pour voler la population et aller à l’étranger faire ce qui lui était interdit ici : spéculer sans limite.
C’est ainsi, qu’année après année, peut importe la conjoncture, les banques canadiennes engrangent toujours plus de profits. Cette année, ils sont en hausse de 19 %, atteignant presque 17 milliards $ après neuf mois, dont 6,2 milliards $ au troisième trimestre. Au cours des 10 dernières années, les profits des banques canadiennes ont bondi de plus de 100%, malgré les pertes encaissées lors de la crise financière de 2008, pour atteindre 20,5 milliards $ en 2010. Ils se chiffraient à moins de 10 milliards $ à la fin de l’exercice financier de l’an 2000.
Les transactions financières réalisées par les ménages ne sont pas étrangers à ces succès. Selon les journalistes du canal Argent (Canoe), les sept grandes banques canadiennes ont tiré 51 % de leurs revenus des activités de prêt, soit environ 47 milliards $. On peut y ajouter aussi les 5 milliards $ de frais de services facturés aux clients lors de leurs transactions. Le reste des revenus sont tirés des activités de courtage, des fonds d’investissement ou autres activités de spéculations. Par ailleurs, le gouvernement Harper accordait des baisses d’impôts annuelles de 2 milliards $ aux banques du pays, puisqu’il a réduit l’impôt de l’ensemble des entreprises d’un point de pourcentage en janvier dernier (une réduction supplémentaire de trois points sera accordée d’ici 2012).
Avec des rendements des avoirs de près de 15%, on comprend le président et chef de la direction de la Banque TD, Ed Clark, de déclarer que « le trimestre écoulé a été formidable pour la TD, compte tenu du rendement vraiment impressionnant de nos activités de détail des deux côtés de la frontière ». Elle a donc annoncé une deuxième augmentation de son dividende cette année ! Comment expliquer ces rendements, sinon par l’abus de leur pouvoir de monopole. Car l’économie ne va pas bien ! Nous allons le voir dans un billet la semaine prochaine, la conjoncture de l’économie canadienne se détériore et annonce sans l’ombre d’un doute un nouveau ralentissement.
La situation est semblable de l’autre côté de la frontière, quoiqu’on y ait une plus grande diversité de résultats, étant donné la compétition qu’on retrouve dans cette industrie. Par exemple, le surveillant des banques se dit optimiste du fait que le nombre de banques figurant sur sa « liste à problème » s’est réduit pour la première fois en 15 trimestres : 865 banques au second trimestre, contre 888 au premier trimestre ! Néanmoins, globalement les bénéfices des banques étatsuniennes sont en hausse. On faisait état, au second trimestre, de bénéfices de 28,8 milliards $, soit une hausse de 7,9 milliards $ par rapport à l’an dernier. Au troisième trimestre, malgré que la situation se détériore, les premières divulgations de profits des grandes banques donnent le ton : Citigroup a publié un bénéfice net de 3,74 milliards $ sur la période, soit une progression de 68%; Wells Fargo a fait état d’un bénéfice net en hausse de 21%, à 4,1 milliards $.
Faut dire que les banques étatsuniennes en auront bien besoin puisque l’agence fédérale de supervision des prêts hypothécaires (Federal Housing Finance Agency) a porté plainte, le 2 septembre dernier, contre 17 grands établissements financiers internationaux (en majorité des États-Unis, comme Bank of America, JP Morgan Chase, Goldman Sachs) pour un total de pertes de 41 milliards de dollars sur des obligations liées aux subprimes. L’Agence reproche à ces établissements d’avoir vendu des obligations adossées à des crédits immobiliers en présentant ces opérations sous un jour inexact, autrement dit d’avoir frauder en trompant les emprunteurs. Les pertes résultant de la détérioration accélérée des crédits immobiliers subprimes et autres ont obligé le gouvernement à nationaliser Fannie Mae et Freddie Mac et à dépenser plus de 140 milliards $ pour les maintenir à flot.
La FHFA ne serait pas la seule à vouloir obtenir réparation. Les ministres de la justice des 50 États seraient en phases finales de négociations pour obtenir une réduction des remboursements dus par des emprunteurs hypothécaires victimes de pratiques illégales. Le montant des compensations atteindrait une vingtaine de milliards de dollars. S’y ajoute aussi les poursuites engagées par les investisseurs privés qui ne se contentent pas de réclamer le remboursement de leurs pertes sur les produits subprimes. Ils exigent en plus des banques qu’elles leurs rachètent l’ensemble de leurs actifs pourris. L’assureur AIG a ainsi réclamé le mois dernier 10 milliards de dollars à Bank of America.
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