Bruxelles saute le pas, qui pour le moment reste un tout petit pas, mais qu’il fallait bien commencer par faire pour finalement pouvoir éventuellement cheminer plus loin. Malgré une opposition farouche du Royaume-Uni et des lobbys financiers, la proposition de créer une taxe sur les transactions financières dans les vingt-sept pays de l’UE a été adoptée par la Commission européenne. Selon le président de la Commission, José Manuel Barroso, la taxe pourrait rapporter rapporter 55 milliards d’euros par an. « Au cours des trois dernières années, les Etats membres ont accordé des aides et fourni des garanties au secteur financier à hauteur de 4 600 milliards d’euros. Il est temps qu’en retour, le secteur financier apporte sa contribution à la société », a justifié M. Barroso, à l’occasion de son discours sur l’état de l’Union au Parlement européen, à Strasbourg.
La TTF, dans sa version bruxelloise, vise à frapper 85% des transactions financières. L’assiette serait assez large pour éviter des arbitrages entre produits financiers et les taux seraient très bas mais différenciés. Ils pourraient être de 0,1% pour les actions et obligations et de 0,01% pour les produits dérivés, mais ces chiffres pourraient encore évoluer. En plus de la taxation européenne, chaque pays pourrait établir, s’il le souhaite, un taux d’imposition supérieur sur les transactions financières et se servir des recettes supplémentaires pour financer son propre budget ou des projets nationaux.
Elle sera perçue auprès des banques, des bourses et fournisseurs de services financiers. Les particuliers et les entreprises ne seront touchés que par ricochet. Les crédits bancaires et hypothécaires, les opérations de change, les contrats d’assurances et autres produits financiers destinés aux particuliers n’entrent pas dans l’assiette. (Pour plus de détails sur la taxe, lire le commentaire de Christian Chavagneux dans Alternatives Economiques)
Mais l’opposition résolue du Trésor britannique et l’hostilité de la City, où l’Europe réalise plus de la moitié de ses transactions financières, représente un obstacle majeur. Londres craint notamment qu’une telle taxe n’entraîne la délocalisation des transactions financières vers des pays tiers, scénario qui serait extrêmement préjudiciable à la City de Londres. Les experts bruxellois reconnaissent le risque de délocalisation en notant l’extrême mobilité de la plupart des transactions financières. La Commission y répond en imposant faiblement, mais aussi en ratissant large : une transaction conduite en Asie ou en Amérique serait taxable, dès lors qu’elle serait réalisée par une firme établie dans l’UE.
Au début du mois d’octobre, la Confédération syndicale internationale a vertement dénoncé le Conseil de stabilité financière, (le CSF est mandaté par le G20 pour trouver des solutions de régulation du système financier mondial) qui tenait à Zurich une Session, pour ne pas avoir expressément ajouté la question de la Taxe sur les transactions financières (TTF) à l’ordre du jour de la plénière. Pour la CSI, ce manque est inacceptable : la question n’est plus de savoir s’il convient de l’adopter ou s’il convient pour toutes les économies du G20 sans exception d’adopter immédiatement un système de taxe sur les transactions financières mais comment son application par un groupe de pays « pionniers » pourrait tirer parti du forum de coopération internationale fourni par le CSF.
« Contrôler la spéculation effrénée à travers une TTF et la réglementation des marchés financiers est essentiel pour maîtriser la crise économique qui va en s’aggravant. La TTF pourrait contribuer à débloquer des ressources urgentes envers la création d’emplois, le développement et l’action contre le changement climatique », signale la CSI.
C’est en effet une bonne nouvelle, qui montre que le Parlement’Européen et les institutions européennes ne sont pas aux ordres des lobbies financiers. C’est une preuve de jeunesse pour le vieux continent. Peut-être l’Europe nous surprendra-t-elle encore ?