« Les bonus des traders ne sont pas seulement scandaleux : ils annoncent aussi le retour de la spéculation. Avant que n’éclate la prochaine bulle, il faut des mesures fortes pour réguler le secteur financier dans son ensemble. » Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques. La crise n’est pas encore terminée, des millions de personnes continuent à être confrontées à la perte de leur emploi, que déjà les traders recommencent à s’en mettre plein les poches.
Les exemples de cette confrérie des spéculateurs cudipes sont considérables : 11,4 milliards de dollars provisionnés au premier semestre 2009 par la banque américaine Goldman Sachs pour récompenser ses courtiers ; 1 milliard d’euros épargnés par BNP Paribas en prévision du versement de primes à ses acrobates financiers ; 4 milliards de livres sterling de bonus attendus par les traders de la City, à Londres ; 32,6 milliards de dollars versés l’an dernier sous forme de primes par neuf établissements de Wall Street qui, dans le même temps, avaient perçu 175 milliards d’aides publiques. Aux États-Unis, les institutions financières qui ont été soutenues par l’État, lorsqu’elles étaient en position difficile, se dépêchent de rembourser ces aides pour reprendre le plus rapidement possible ces pratiques totalement irresponsables, qui représentent l’un des principaux facteurs de la prise de risques exagérées responsables de la crise.
À peu près tous s’entendent sur le fait qu’il faut trouver des moyens de limiter les rémunérations scandaleuses des spéculateurs financiers. Les responsables de la régulation des marchés financiers ont sûrement les ressources pour imaginer des règles qui permettraient de limiter à la fois l’appétit démesuré des spéculateurs pour le profit rapide et les risques accrus qui en découlent généralement. Mais il faut aller au-delà des règles de surveillance et s’attaquer en même temps à la source même du problème, c’est-à-dire aux revenus démesurés des entreprises et des intermédiaires qui profitent de l’économie casino : revenir à une fiscalité beaucoup plus progressive; taxer les revenus des spéculateurs à 90 %; taxer les transactions spéculatives (taxe Tobin); prélever une part significative des gains des institutions financières réalisés sur la spéculation. Toutes ces mesures permettraient, à terme, de rendre les transactions spéculatives beaucoup moins intéressantes, ne laissant sur le marché que celles répondant réellement à des besoins de l’économie réelle.
Mais évidemment, comme nous le rappelle Guillaume Duval, la mise en œuvre de telles politiques heurte des intérêts extrêmement puissants et nécessite un degré élevé de coordination internationale, puisque la finance spéculative peut se déplacer rapidement vers les pays les moins regardants. Même si elles peuvent être efficaces pour corriger les excès les plus criants et pour renforcer le rôle des États dans la lutte contre la fraude, les mesures qui sont prises présentement contre les paradis fiscaux ne pourront pas à eux seuls corriger les faiblesses de la coordination internationale sur le problème de la spéculation excessive.
D’où l’importance des négociations réalisées sous l’égide du G20. Les résolutions qui ont été prises par les pays membres du G20 l’an dernier à Washington sont loin d’être mises en œuvre pour l’instant. Les recommandations qui avaient été soumises, dont la limitation à un an des bonus garantis quels que soient les résultats réalisés, ne sont pas respectées par les banques. Si le G20, qui se réunit à Pittsburgh à la fin du mois de septembre, ne veut pas perdre la crédibilité qu’on aimerait bien leur concéder dans le contexte actuel, les pays membres ne pourront pas se contenter de traiter la question des bonus d’un seul point de vue réglementaire : ils devront s’attaquer au problème de la finance spéculative elle-même.
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