Pour la première fois, l’Europe semble bien décidé de passer à l’acte et d’interdire une pratique financière spéculative : l’achat de CDS (Credit Default Swap) sur les dettes publiques, qui n’est rien d’autre qu’une prime d’assurance contre le risque d’un non remboursement de cette dette alors que l’on ne détient pas les bons du Trésor correspondant à cette dette. Le Parlement, le Conseil et la Commission européenne viennent de s’entendre pour limiter ce type de spéculation sur les titres de dettes publiques en Europe.
Selon Pascal Canfin, député européen écologiste, pour la première fois de son histoire, l’Europe a décidé d’interdire une pratique financière. Ces « achats de CDS à nu », comme on les appelle, sont purement spéculatives. Ces pratiquent financières ne contribuent en rien au financement des États. Au contraire, elles créent des tensions sur les dettes publiques, déstabilisent les États et détériorent leur capacité de financement. Alors que les États sont sous une pression quasi quotidienne des marchés financiers, il faut donc, affirme Pascal Canfin, chercher à alléger cette pression sans néanmoins nuire à la capacité des États à financer leur dette dans des situations difficiles.
« La liquidité dont un État a besoin, c’est celle qui concerne ses titres de dette. Il a besoin que des investisseurs puissent les acheter et les vendre, pas qu’un spéculateur, qui ne détient pas ces titres, contribue par l’achat de CDS à nu à augmenter artificiellement la demande de CDS, augmentant leur prix et donc la perception du risque sur le pays, ce qui a pour conséquence que les investisseurs prêts à acheter les titres de dette demandent des taux d’intérêt plus élevé qu’avant. Ce qui accroit les problèmes du pays considéré. Notre mesure ne cible que les CDS à nu, ceux pour lesquels les investisseurs cherchent à spéculer et non pas à financer les États. »
Malheureusement, c’est dans une situation de crise que les États doivent revenir au rôle fondamental qu’ils ont négligé – pour ne pas dire transgressé – depuis trente ans : réguler étroitement les marchés. Alors que les agences de notation accroissent les effets déstabilisateurs de leurs évaluations sur la dette publique, il semble donc que la Commission européenne songe aussi à bannir la publication des évaluations des agences de notation des États en difficulté de l’Union européenne. Michel Barnier, commissaire pour les marchés et les services internes, aurait déposé une proposition renforçant le rôle de la nouvelle Autorité européenne des marchés financiers, qui lui permettrait de prohiber temporairement ces pratiques.
Les agences de notation, firmes privées à but lucratif, sont en perpétuel conflit d’intérêt lorsqu’elles évaluent les dettes publiques. Les trois grandes agences de notation, dont le rôle se borne trop souvent à amplifier et valider les crises spéculatives, n’ont aucune légitimité dans la gestion de la chose publique. L’irresponsabilité et le conflit d’intérêt sont les seules caractéristiques qu’elles possèdent en propre. Elles affirment, avec innocence, « Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on soigne la maladie. » Mais elles oublient que, à la différence d’un simple instrument de mesure, leur système de notation est, dans la réalité, un facteur d’aggravation de la maladie. Espérons donc que l’Europe ira aussi de l’avant avec cette mesure et qu’elle contribuera à lézarder le mur (essentiellement idéologique) qui les protégeait jusqu’à maintenant.
Cette excellente initiative montre que l’Europe est capable d’actes courageux et apparait moins soumise au lobbying de l’establishment bancaire que l’administration américaine. C’est un signe de vitalité très positif pour le vieux continent.