L’auteur invité est Pierre Dubuc, directeur de L’Aut’Journal.
L’offensive antisyndicale s’intensifie. Le gouvernement Harper menace les agents de bord de la même médecine que celle servie aux postiers : une loi spéciale. De plus, par l’intermédiaire d’un député d’arrière-ban, il vient de déposer un projet de loi qui lui permettrait, s’il était adopté, de venir fouiner dans les affaires internes des organisations syndicales.
Pourquoi cette offensive? Quelle en est l’enjeu? Tout simplement la répartition de la richesse dans notre société. Celle-ci s’opère d’abord par les salaires et les mesures sociales dont bénéficient les salariés. Pour le patronat, l’équation est simple : de meilleurs salaires et plus de programmes sociaux égalent moins de profits.
C’est vrai dans le secteur privé, mais aussi dans le secteur public. Dans ce dernier secteur, la rémunération et les programmes sociaux des employés sont liés aux revenus de l’État, donc à l’impôt et aux taxes. Les patrons prônent une réduction des impôts et des taxes, ce qui a aussi pour effet de réduire le rôle de l’État au profit du privé, comme l’a démontré le Rapport Duchesneau à propos du ministère des Transports.
Une enquête majeure
C’est l’action syndicale qui permet une meilleure répartition de la richesse avec de meilleurs salaires et plus de programmes sociaux, comme l’illustre une importante et volumineuse étude sur le monde du travail, réalisée par l’Institut national de santé publique, l’Institut de la statistique et l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité au travail.
Intitulée « Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi et de santé et de sécurité du travail » (EQCOTESST), l’enquête, menée auprès d’un échantillon de 5 000 travailleuses et travailleurs, vise à produire une meilleure connaissance des conditions de travail, d’emploi et de santé et sécurité au travail.
Elle découle d’une loi, adoptée en 2003, confiant au ministre du Travail la responsabilité de faire effectuer à tous les cinq ans une étude sur l’évolution des conditions de travail au Québec. Cette enquête, de près de 1 000 pages, est une mine de renseignements. Cette semaine, nous nous attarderons à l’impact de la syndicalisation sur les conditions de travail.
Le secteur public : un bastion syndical
Avec un taux de 40%, la proportion de syndiqués parmi l’échantillon correspond au taux habituellement reconnu. D’un point de vue statistique, il n’y a pas de différence significative selon le sexe quant à la syndicalisation. Cependant, seulement 32,5% des jeunes de 15 à 24 ans sont membres d’un syndicat, comparé à 43,8% pour les travailleurs de 45 à 54 ans.
Bien que les trois-quarts des travailleuses et travailleurs occupent un emploi dans un secteur autre que le secteur public ou parapublic, 54,6% de l’ensemble des syndiqués viennent du secteur public. Cela n’est pas étonnant, lorsqu’on sait que 79,4% des emplois du secteur public et parapublic sont des emplois syndiqués, contre seulement 25,9% dans le privé.
Il y a évidemment une relation positive entre la syndicalisation et le revenu d’emploi des salariés, les travailleurs ayant des revenus de moins de 40 000$ sont moins syndiqués, contrairement à ceux dont le revenu se situe de 40 000 $ à 99 999$, mais il y a également d’autres avantages que les auteurs du rapport identifient.
Des avantages à être syndiqué
• Vacances. La proportion des salariés non syndiqués qui ont droit à plus de trois semaines de vacances est de 30,8%, comparativement à 61,0% dans le cas des syndiqués.
• Congés de maladie payés. Les salariés non syndiqués n’ont pas accès aussi fréquemment (54,2%) à des congés de maladie payés que ceux qui sont syndiqués (73,0%).
• Assurance salaire en cas de maladie. L’accès à une telle assurance est beaucoup plus élevé chez les salariés syndiqués (91,0%) que chez les non syndiqués (57,5%)
• Congé sans solde ou au traitement différé. Net avantage là encore pour les salariés syndiqués, 79,6% y ont accès, contre 54,6% pour les non-syndiqués.
• Régime de retraite de l’employeur. Les salariés non syndiqués ne sont que 33,9% à disposer d’un régime de retraite, comparativement à 76,7% dans le cas des syndiqués.
• Banque d’heures utilisables au besoin. Les salariés syndiqués (50,3%) y ont proportionnellement plus accès que les non syndiqués (41,8%).
• Congés payés pour raison familiale. Les non syndiqués ont signalé que cette possibilité leur était offerte en moins grande proportion (47,6%) que les syndiqués (62,2%).
• Garderie en milieu de travail. La proportion de syndiqués ayant accès à une garderie en milieu de travail atteint 14,2% par rapport à 5,0% chez les non-syndiqués.
• Sécurité d’emploi. Les travailleurs syndiqués manifestent un taux d’insécurité beaucoup moins élevé (22,4%) que les salariés non syndiqués (26,6%) ou les travailleurs autonomes (42,1%).
Donc, d’importants avantages pour les syndiqués, mais également, par voie de conséquence, pour les employés des secteurs public et parapublic dont le taux de syndicalisation est trois fois plus important que pour les travailleurs du secteur privé.
Pas étonnant que le secteur public soit la cible de prédilection du patronat, et des chroniqueurs et des éditorialistes qui lui sont inféodés. Les démagogues présentent comme des « privilèges » des mesures sociales dont devrait bénéficier l’ensemble de la population. Mais, pour que cela puisse se réaliser, il faut qu’un plus grand nombre de travailleuses et de travailleurs puissent se syndiquer. Nous y reviendrons.
Pour lire le texte au complet, on va sur le site de L’Aut’Journal
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