L’auteur invité est Pierre Dubuc, directeur et rédacteur en chef de L’Aut’Journal.
Le 15 novembre dernier, l’historien norvégien Idar Helle prononçait à Montréal une conférence sur le modèle norvégien, à l’invitation d’Attac-Québec. Après un exposé d’une quarantaine de minutes, suivi d’une séance de questions/réponses avec l’auditoire, Robert Laplante de l’IREC a fait une brillante synthèse en cinq points des interventions. Nous partirons de cette synthèse pour un compte-rendu de la soirée.
Un modèle institutionnel avec le mouvement syndical comme ciment
Commentant d’entrée de jeu la situation économique et politique de l’Europe, Idar Helle n’a pas manqué de souligner la différence entre les pays du Sud (Grèce, Espagne, Italie) pris dans la tourmente de l’euro et la situation beaucoup plus stable des pays du Nord.
À plusieurs occasions, il a souligné l’importance de la participation de la Norvège au Conseil nordique, une institution créée en 1955, regroupant les pays scandinaves, qui entraîne une émulation entre ces pays. « Pendant longtemps, la Suède a été le modèle. Aujourd’hui, c’est la Norvège », déclare-t-il en déplorant que le néolibéralisme ait corrompu le modèle suédois.
Soulignons que la Norvège a refusé, à deux reprises, lors de référendums en 1972 et 1994, d’adhérer à l’Union européenne. La Norvège possède sa propre monnaie, la couronne norvégienne, dont le principal problème aujourd’hui, selon M. Helle, est d’être surévaluée par rapport à l’euro.
Quant au syndicalisme, il a une longue histoire en Norvège. La Confédération générale du travail (LO) a été fondée en 1899. Aujourd’hui, 53% des travailleurs sont syndiqués. La Norvège a aussi une tradition de collaboration entre le patronat, les syndicats et le gouvernement. Même les sociétés étrangères, précise Idar Helle, sont obligées d’accepter la présence syndicale.
Une très forte présence de l’État
La Norvège a le Produit national brut le plus élevé d’Europe. Il dépasse également celui des États-Unis. Mais le pouvoir d’achat est inférieur à celui de l’Allemagne et des Pays-bas. Idar Helle décrit l’économie norvégienne comme étant très ouverte, très compétitive. Cependant, l’État joue un rôle extrêmement actif dans l’économie.
L’État est propriétaire de 55% des actifs du secteur industriel. La société la plus importante, la pétrolière Statoil (contraction de State Oil), est aujourd’hui détenue à plus de 70% par l’État. L’État en était l’unique propriétaire jusqu’au début des années 2000, alors qu’un tiers de ses actifs a été privatisé.
L’État a les moyens de ses interventions avec des taux d’impositions élevés et une TVA (l’équivalent de la TPS-TVQ) de 23%. Cela permet l’existence d’un système de protection sociale que Idar Helle résume en cinq caractéristiques : 1) le plein emploi; 2) un système universel d’allocations pour faire face au chômage, à la maladie ; 3) une politique familiale où l’accent est mis sur l’égalité des sexes; 4) des revenus suffisants à la retraite; 5) des services publics de qualité (éducation, santé, etc.).
Constatons au passage que 80% des Norvégiens sont propriétaires de leur habitation.
La société Statoil pèse lourd économiquement et politiquement
Statoil est la plus grande entreprise de Norvège, ce qui démontre l’importance de l’exploitation pétrolière offshore dans l’économie du pays. Elle joue, en quelque sorte, un rôle similaire dans l’économie norvégienne à celui d’Hydro-Québec dans celle du Québec. Dans ses bons coups, comme dans ses moins bons, pourrions-nous ajouter.
Les Norvégiens ont décidé de créer un fonds souverain pour les générations futures, alimenté par les revenus pétroliers excédentaires de l’État. Avec ses 560,5 milliards de dollars d’actifs, au mois de juin 2011, le fonds de pension norvégien est le plus gros fonds souverain au monde. Cependant, il est, lui aussi, soumis aux aléas des marchés financiers. M. Helle nous a rappelé qu’il a perdu 50 milliards de dollars lors de la chute récente des marchés boursiers.
Statoil en mène large dans l’économie norvégienne et dans la définition des objectifs nationaux. Idar Helle rapporte que la société a récemment fait fermer quatre usines de panneaux solaires. Ce qui n’est pas sans rappeler la réticence d’Hydro-Québec à développer le secteur éolien et les autres énergies renouvelables.
Une insistance sur l’emploi
Le plein emploi est cœur de la social-démocratie norvégienne. À plusieurs reprises, Idar Helle a souligné l’importance du travail dans la société norvégienne. Ce n’est pas étranger à l’éthique protestante de cette société luthérienne. Le taux de chômage est le plus bas d’Europe. Une partie de l’explication repose sur le fait que, parmi le groupe des 20-25 ans, la plupart sont toujours aux études. Le fait que les études soient gratuites jusqu’à l’université inclusivement complète l’explication.
Il y une vingtaine d’années, un chômage important avait été combattu par d’importants investissements dans la formation professionnelle.
La participation des femmes et des aînés au marché du travail est remarquable. Plus de 75% des femmes sont des salariées, une conséquence de politiques familiales (congés parentaux, garderies, etc.) très généreuses.
De leur côté, 73% de la tranche d’âge 55-64 ans participe au marché du travail, comparativement à 60% aux États-Unis, 44% en France et 52 % au Québec.
La pauvreté, d’expliquer Idar Helle, touche surtout les exclus du marché du travail, au premier chef les immigrés. L’écart entre les riches et les pauvres s’est élargi au cours des dernières années, reconnaît-il, mais le noyau dur de la classe moyenne est resté stable.
La social-démocratie ne peut se développer en vase clos
Si la Norvège a volé à la Suède le titre de modèle de la social-démocratie scandinave, elle le doit surtout, de nous dire Idar Helle, à la lutte active et à la mobilisation populaire contre le néolibéralisme.
La grande centrale syndicale, très lié au principal parti social-démocrate, a mis de l’avant une stratégie dont l’action visait également les autres partis politiques.
La Norvège est une monarchie constitutionnelle avec un régime parlementaire. Le mode de scrutin proportionnel permet une représentation au parlement dès qu’un parti récolte 4% des suffrages. Il existe présentement sept partis politiques, quatre de gauche et trois de centre droit.
Idar Helle a affirmé, à maintes occasions au cours de la soirée, que l’État-providence ne peut exister dans un seul pays. Robert Laplante n’a pas manqué de souligner, à cet égard, que la Norvège profite d’un environnement géographique et politique beaucoup plus favorable que celui du Québec.
À cela, nous ajouterions que la Norvège est un pays indépendant depuis 1905, alors qu’il s’est séparé de la Suède.
Pour lire le texte au complet, on va sur le site de L’Aut’Journal
Le profil actuel de la Norvège est biensur éclatant!
Ceci dit, cette belle structure, qui fait honneur aux norvégiens, est tributaire du pétrole.
On se doit de les féliciter pour leur saine gestion de cette manne pétrolière.
Conséquemment, il serait peut-être intéressant de regarder du côté de la Suède et de la Finlande, afin d’analyser une structure social-démocrate qui fonctionne, et ce, sans le bénéfice de gisements pétroliers.
Raphaël Erkoréka.