Envoyé spécial aux Rencontres du Mont-Blanc
Le Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ), la Caisse d’économie solidaire Desjardins et Fondaction tenaient, en collaboration avec les Rencontres du Mont-Blanc et plusieurs partenaires du mouvement coopératif (SOCODEVI, le CQCM, Desjardins de même les forestières et les agricoles…), un rendez-vous international en octobre dernier. Cette rencontre a donné lieu à des engagements sociopolitiques concrets (caisse d’économie, bulletin du 16 novembre). Mais la rencontre visait également à préparer la 5e édition des Rencontres du Mont-Blanc (RMB) qui se tenaient du 9 au 12 novembre dernier à Chamonix. 30 dirigeants québécois de ces différentes organisations se sont donc pointés en France (à Chamonix).
Les RMB réunissent depuis 2004 les dirigeants d’importantes mutuelles, coopératives et fondations de la France et du Québec. Ces rendez-vous sont orientés vers la réalisation de projets économiques à l’échelle internationale, un certain nombre en direction de communautés de pays du Sud. C’est ainsi qu’ont émergé dans les cinq dernières années quelques 40 projets dont une dizaine sont rendus au stade de réalisations avancées (site RMB, rubrique Initiatives). Mentionnons parmi d’autres, le Réseau international des fondations de l’innovation sociale, l’Observatoire international de l’économie sociale, l’Alliance internationale des logiciels libres mais aussi CoopEst, un outil financier pour le développement coopératif en Europe de l’Est, CoopSud, un outil pour des projets de coopératives d’énergies renouvelables en Afrique de l’Ouest, le projet de développement d’une filière de biogaz en Guinée, etc.
Fait nouveau, les RMB de 2011 ont pris un tournant plus sociopolitique à la veille du 2e Sommet de la Terre, la Conférence des Nations Unies qui marquera le 20e anniversaire de la Conférence de Rio de Janeiro sur l’environnement laquelle avait dessiné les contours de l’Agenda 21. Cette Conférence, nommée Rio+20, qui se tient du 4 au 6 juin prochain, propose de définir «une économie verte» dans un contexte où s’impose une double lutte, celle contre les inégalités sociales et celle d’opérer, à l’échelle des États du monde, un virage majeur en matière de réductions des gaz à effet de serre. Les promoteurs des RMB souhaitaient également que ce cinquième forum soit une occasion d’élargir la participation de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie dans le but d’internationaliser l’organisation. Réussite sur les deux tableaux : le projet sociopolitique a passé l’épreuve de la délibération collective au terme de ces trois jours intensifs de discussion et l’internationalisation se manifestera par la réorganisation de la structure interne du mouvement.
Pas de surprise pour les participants du Québec! La trame de fond des discussions de cette 5e édition rejoignait bien la rencontre québécoise d’octobre : 1) une remise en question globale interrogeant la nature de la crise (ce qui a changé depuis le premier Sommet de la Terre en 1992); 2) les coopératives, les mutuelles et toute l’économie solidaire considérés potentiellement comme une force de proposition et d’interpellation à l’échelle planétaire. Oui mais comment? Par l’ouverture de grands chantiers (des priorités d’intervention) et des propositions concrètes pour aujourd’hui offrant la possibilité réelle (et non fantasmée) de changer de modèle à l’heure de RIO+20. Un document d’orientation et un cahier de 20 propositions figuraient donc à l’ordre du jour de la rencontre de Chamonix comme de celle de Montréal, tous deux disponibles sur le site du GESQ . Ce nouveau Forum international de dirigeants de l’économie sociale (les RMB ne deviennent qu’une des activités de ce forum de dirigeants) fera donc de la représentation politique auprès des chefs d’État du monde au 2e Sommet de la Terre à Rio, avec une plate-forme politique de propositions dans ses cartons, propositions destinées aux États présents. C’est une première!
Tout cela n’a pas été sans débat. En effet, de dire le président du GESQ, René Lachapelle, «sur le terrain de l’environnement, l’économie sociale a des atouts, mais il ressortait clairement des échanges que ce n’est pas encore son terrain privilégié». Autrement dit, les entreprises à propriété collective ne sont pas dispensées, parce qu’elles affichent des finalités sociales, de sérieuses remises en question de leur mode opératoire face à l’urgence écologique d’aujourd’hui . «Sur ce terrain, ajoute-t-il, les alliances avec les organisations écologiques, l’attention aux préoccupations environnementales (par exemple la résistance à l’exploitation du gaz de schiste) et la prise en compte de l’urgence de protéger les biens communs constituent des avenues à occuper».
L’intervention de clôture, confiée à Michel Rocard, ancien premier ministre de la France et initiateur, il y a trente ans, d’un dispositif public servant d’interface avec les différentes familles de l’économie sociale (1981) n’a pas été sans causer une certaine surprise…Mais ce fut une bonne surprise! «À la différence de ce que j’ai souvent vu et pendant des décennies en économie sociale, vous paraissez êtres en train de concrétiser un grand projet», a-t-il affirmé, soulignant qu’il avait trouvé dans le document d’orientation des RMB de cette année des avancées importantes. «Nous sommes dans une période où le monde entier nous demande de grandir» invitant ainsi les dirigeants présents à ne plus se regarder comme «l’économie des vaincus de l’histoire», mais comme une économie qui détient des clés importantes pour l’avenir. Reconnaissant que l’action collective a ses lenteurs, il affirmait que si «celles-ci peuvent offrir une garantie de démocratie, le moment est venu d’accélérer un peu!». Rappelant que «le fond de la crise c’est la précarité et le sous-emploi générés par une idéologie de marché autorégulé qui exclut le travail de l’économie et remplace l’entreprise par la finance», il y est allé d’une prise de position convaincue à l’effet que «l’économie sociale, au nom de son savoir et des valeurs qu’elle porte, a un devoir d’offensive. »
Ces propos n’ont pas manqué de provoquer une longue ovation. En fait, il venait d’accréditer toute la démarche pour porter aux dirigeants des États réunis dans le cadre de Rio+20 le message d’opérer un virage majeur. Cette Conférence des Nations Unies n’annonce pas encore à ce jour une grande mobilisation des États, étant donné, dira-t-il, «la tendance de la plupart des gouvernements à se laisser dicter leur agenda et leur conduite par les agences de notation». Ce sont néanmoins eux qui détiennent les clés d’une nouvelle régulation de la mondialisation. La mobilisation sur Rio s’impose donc avec plus de force aux mouvements sociaux. Les dirigeants des RMB, en commençant par ceux du Québec, s’y préparent. Pour un, le GESQ tiendra son Université d’été à la fin avril sur ces thématiques avec l’idée de créer des alliances ici et avec des partenaires du Sud vers Rio 2012.
Bonjour!
Petites précisions, Rio + 20 sera la 5e Sommet de la Terre, et sera la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio 92 était la CNU sur l’environnement et le développement).
Sinon, bon article!
Marlène