L’auteur invité est Jacques Mistral, directeur des études économiques à l’Ifri (Paris).
Complément du texte de Jacques Sapir sur le protectionnisme (paru hier).
Le débat sur la démondialisation a du bon. Il évite de considérer le libre-échange comme un dogme, il invite à ne pas faire preuve de naïveté dans nos politiques. Mais l’attrait de la démondialisation, c’est aussi qu’elle fait miroiter une idée de rupture… sans jamais en mentionner le prix. Et là, il y a tromperie.
Démondialiser, ce serait couper les fils avec le monde. Cela s’appelle le protectionnisme. Comme l’enseignent la logique et l’histoire économique, le protectionnisme appelle toujours la rétorsion ; il place celui qui y recourt face à des choix plus difficiles.
Recommandée à l’échelle européenne, cette politique paraît certes plus présentable qu’aux bornes de l’Hexagone. Mais imaginons un gouvernement français proposant cela à nos partenaires en juin 2012, il ne rencontrerait qu’un succès d’estime des plus limités. Il faudrait au plus vite élaborer une stratégie économique alternative. Et donc se passer d’entrée de jeu de ce qui est présenté comme l’instrument fondamental de la rupture. De qui se moque-t-on ?
Démondialiser, ce serait aussi se soustraire à la tyrannie de la finance. Il y a de bonnes raisons à cela, mais il faut aussi avoir en tête l’ampleur de notre déficit extérieur. Nos services publics, notre santé, nos retraites fonctionnent à crédit, grâce à l’argent massivement prêté par l’étranger (notre besoin de financement extérieur représente par exemple la totalité du budget de l’Education nationale). Susciter la méfiance des préteurs (notons bien : des préteurs, pas des spéculateurs) étrangers, c’est nous placer de nous-mêmes dans la situation grecque : que le fonds de pension des enseignants californiens, par exemple, mette en doute la capacité de la France à rembourser sa dette, c’en est fini des largesses budgétaires et ce sont les salaires des enseignants français – et de bien d’autres – qu’il faudrait immédiatement raboter : mieux vaut y réfléchir à deux fois.
Bref, le discours de la démondialisation mérite bien les reproches qui lui ont été adressés : c’est un discours riche en critiques, faible en substance. Il sonne agréablement à l’oreille de certains, mais il se borne à flatter les illusions. De telles flatteries ne sont pas de bonne politique, elles ne font que préparer les désillusions du lendemain. Pensez à 1983 ! La rhétorique est brillante, mais la réalité de la démondialisation, c’est l’appauvrissement, le repli et la marginalisation. C’est du discours inverse dont le pays a besoin s’il veut surmonter les difficultés auxquelles il fait face, un discours qui parie sur la jeunesse, l’innovation et l’ouverture au monde.
Pour lire le texte, on va sur le site d’Alternatives Economiques
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