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Le samedi 23 avril 2022

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Immigration: l’ère de l’inconscience

L’auteur invité est Jean-François Lisée, Directeur exécutif du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), Jean-François Lisée a été conseiller des premiers ministres Jacques Parizeau et Lucien Bouchard de 1994 à 1999.

Je serai peut-être le seul, mais je note officiellement le premier novembre 2011 comme la date où, en toute connaissance de cause, le gouvernement du Québec a décidé d’adopter une politique d’immigration qui allait mettre en péril l’avenir du français dans la métropole, donc au Québec.

Ce n’est pas d’hier que notre politique d’immigration est imprudente. Je l’écris depuis plus de dix ans. Mais au cours des 18 derniers mois, trois informations nouvelles auraient du provoquer une prise de conscience, donc un changement de cap.

1) Le Vérificateur général a démontré dans un rapport cinglant que le contrôle de la connaissance du français des candidats à l’immigration était déficient dans la moitié des dossiers. Et qu’il est donc impossible d’affirmer que le Ministère de l’immigration sélectionne véritablement une majorité de personnes connaissant le français.

2) Une étude de l’Office de la langue française a conclu que la composition linguistique actuelle de l’immigration allait conduire inexorablement à une minorisation du nombre d’habitants de l’île de Montréal qui ont le français comme langue première, au cours des quelques années qui viennent. Le phénomène déborde aussi sur les banlieues. Cette certitude en entraîne une autre: l’affaiblissement de l’attractivité du français et de la volonté de défense de la langue française. En effet, on peut adorer sa langue seconde, mais elle reste, par définition, secondaire.

3) Le livre Le remède imaginaire de Guillaume Marois et Benoit Dubreuil, a fait la synthèse de la recherche récente sur l’impact économique réel de l’immigration pour établir que, contrairement aux mythes courants, l’immigration n’entraîne pas un enrichissement de la société d’accueil. Au mieux, elle n’y change rien. Plus probablement, elle réduit légèrement la richesse par habitant.

Elle n’arrive surtout pas à combler les pénuries de main d’œuvre, car l’arrivée de 50 000 immigrants par année (la cible actuelle) équivaut à ajouter une petite ville avec tous ses besoins supplémentaires de main d’œuvre. Au net, il faut 50 immigrants pour combler un emploi vacant dans la population d’accueil. Il en faudrait donc 35 millions pour combler les chimériques 740 000 postes à combler dans les prochaines années. Ces démonstrations n’ont suscité aucune réplique crédible de la part du ministère.

Bref, en 18 mois, les décideurs québécois ont été mis devant l’évidence que la poursuite de la politique actuelle d’immigration était, avec certitude, néfaste pour la pérennité du français et probablement inutile pour l’économie québécoise.

Comment empirer les choses

Comparons ce qui aurait été nécessaire pour corriger le tir avec la réponse apportée dans la politique annoncée ce 1er novembre par le gouvernement :

1) S’assurer que l’immense majorité des nouveaux arrivants ont le français comme langue première

C’est la mesure de bon sens qu’il faudrait adopter pour l’avenir prévisible, tant que l’on observe un déclin de la proportion de citoyens qui ont le français comme première langue dans la métropole.

Mais, tenez-vous bien, la politique gouvernementale ne s’en préoccupe aucunement. On ne saura d’ailleurs pas si les 51 000 immigrants par an auront, ou non, le français comme première langue. Cette information, essentielle pour l’avenir du français dans la métropole, n’est même pas sollicitée. Ce qui fait que, dans le savant pointage qui avantage tel ou tel candidat, le fait de vivre en français, plutôt que de le connaître plus ou moins bien, ne confère aucun avantage. On croit rêver !

2) S’assurer que l’immense majorité des nouveaux arrivants ont une réelle connaissance du français

Cela serait déjà imprudent car insuffisant dans le contexte de précarité linguistique que nous connaissons, on a vu pourquoi. Mais, tenez-vous encore mieux, la politique n’essaie même pas. Elle annonce qu’un immigrant sur trois arrivera au Québec sans aucune connaissance du français. Aucune. Il est donc certain qu’entre 15 et 20 000 personnes arriveront au Québec chaque année sans pouvoir commander un café en français.

Pour les autres, nous serons toujours dans le noir quand à leur véritable connaissance du français. L’imposition à tous les candidats d’un test standardisé ne réglerait-il pas ce problème ? Certainement, affirme le ministère, qui se félicitait l’an dernier d’avoir fait passer le nombre de candidats qui passent ce test de 953 (1% de tous les candidats) à 1616 (2%)! Le seul chiffre acceptable est évidemment 100%. À ce rythme, nous y arriverons en l’an… 2109 !

Dans quels pays ces tests linguistiques sont-ils obligatoires ? L’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni. Trois pays anglophones !

3) S’assurer au moins que les immigrants choisis ont un contrat de travail en poche

C’est ce que le Vérificateur général, citant les politiques de plusieurs gouvernements étrangers notamment l’Australie, suggérait, mais ce à quoi le gouvernement du Québec se refuse, préférant un modèle “équilibré” — donc moins performant. C’est ainsi que le Québec s’organise sciemment pour faire venir une immigration à l’impact économique sous-performante, pour les candidats et pour le Québec.

Qui est responsable ?

Qui sera, demain, responsable de la fragilisation du français ? Les immigrants ? Absolument pas, ils ont respecté toutes les règles que nos gouvernements ont édictés. Les Québécois allophones qui parlent également le français? Au contraire, ils ont démontré une grande capacité d’adaptation.

Non, les seuls responsables du déclin du français, de la fragilisation de son pilier essentiel — la proportion de citoyens pour qui le français est la langue première — est le gouvernement du Québec qui mène cette politique funeste avec enthousiasme.

Pour lire le texte original, on va sur le blogue de Jean-François Lisée

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