Récemment Greenpeace a publié un rapport intitulé « De biomasse à … biomascarade » qui met en évidence la nécessité d’accompagner le boom sur les énergies liées à la biomasse de critères de durabilité stricts. Je suis en bonne partie d’accord avec les préoccupations soulevées dans ce document. Pour les mêmes raisons qui font que nous nous opposons à l’éthanol de première génération fondés sur une agriculture industrielle à base de maïs, qui produit au final plus de GES qu’il en sauve, il faut questionner l’utilisation de la biomasse fondée sur une récolte massive de la biomasse forestière.
Les chiffres de Greenpeace ne sont pas toujours convaincants, mais il ne faut pas s’arrêter à ce marketing de la catastrophe pour autant. Le 700 % d’augmentation des exportations de biomasse vers l’Europe ne veut absolument rien dire. D’une part le fait de multiplier par 8 ou par 100 une quantité qui, au départ, était infinitésimal, ne peut pas être très significatif. D’autre part, si cette croissance des exportations de la biomasse est compensée par une diminution équivalente des exportations de bois-d’œuvre et de papier, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Néanmoins, lorsqu’elle est accaparée massivement comme ressource énergétique par des entreprises multinationales, la biomasse peut alors représenter une menace pour les forêts. C’est une menace parce que ces entreprises n’ont aucune espèce de préoccupation des impacts environnementaux de leurs pratiques, pas plus qu’elles en ont eu avec les communautés touchées par leurs exploitations abusives des ressources. Qu’elles investissent dans une raffinerie de sables bitumineux, d’éthanol à base de maïs ou de biomasse forestière, pour ces entreprises il n’y a qu’un seul critère : le rendement financier maximal. Pour cette raison, la gestion des ressources en biomasse devrait être sévèrement contrôlée par les États et les communautés locales, en privilégiant d’abord les entreprises d’économie sociale et les PME locales. Par ailleurs, comme le souligne Greenpeace, la réglementation devrait « assortir la production de la biomasse forestière de critères de durabilité contraignants. »
Malheureusement, comme c’est souvent le cas avec les organisations internationales comme Greenpeace qui utilisent les outils du marketing de masse, on ne fait pas dans la dentelle ! Pour s’attaquer à une pratique insoutenable très précise, on n’hésite pas à tourner les coins ronds en démonisant tout le secteur des énergies renouvelables fondées sur la biomasse. Dans une note d’intervention de l’IREC, que Robert Laplante et moi-même avons publié en juin dernier, nous avons bien fait ressortir les risques de la politique québécoise actuelle qui met en concurrence la biomasse avec le gaz naturel, qui fait la part trop belle aux grandes entreprises forestières, mais qui surtout mise trop spécifiquement sur la biomasse résiduelle, agricole ou forestière. Cette orientation, affirmons-nous, laisse en rade le développement des plantations énergétiques et, du coup, prive de nombreuses collectivités d’un puissant instrument de revitalisation économique.
Comme nous l’affirmions dans cette note : « Le développement de la filière éthanol-granules à partir des plantations énergétiques – aussi bien les plantations ligneuses sur courte rotation que les productions végétales annuelles – pourrait avoir des effets sur l’occupation du territoire et la relance des villages dévitalisés qui pourraient justifier de lui accorder une place majeure. Il y a là, à n’en pas douter, une synergie très forte avec les propositions du Groupe de travail sur le milieu rural comme producteur d’énergie. La filière des CICR représente une source d’approvisionnement supplémentaire favorable au développement de projets de petite et moyenne envergure à l’échelle communautaire pour deux des trois filières proposées : la filière de la combustion à grande échelle pour des projets de chauffage institutionnel, commercial et industriel ainsi que celle des granules de bois pour l’utilisation dans des circuits courts. »
De plus, contrairement à la filière de la biomasse forestière, le cycle de vie de la biomasse végétale, est extrêmement rapide. La culture intensive en courtes rotations (CICR), qui utilise des plantes ligneuses, fait usage d’essences à croissance rapide comme le saule ou le peuplier hybride. Elle se caractérise par une haute densité de plantation (environ 12 000-18 000 boutures par hectare) et une récolte selon des cycles très courts (3-4 ans). Le saule, par exemple, est peu exigeant en ce qui concerne la qualité des sols de culture et sa croissance est rapide dans des conditions nordiques. Donc ce n’est pas toute la biomasse qui se transforme en biomascarade !
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