L’auteur invité est Thierry Pech, journaliste au magazine Alternatives Economiques.
La sortie de crise exige une Europe plus ambitieuse, plus solidaire et plus intégrée. On n’éteindra pas le feu sans changer profondément le logiciel européen.
A Madrid, Athènes, Rome, Londres et jusqu’à New York, ceux que l’on appelle désormais » les Indignés » dénoncent sans relâche la folie des marchés et la capitulation des politiques devant les commandements de la finance. On peut relativiser leur nombre, leur unité, leur influence… mais il faut être sourd pour ne pas percevoir que s’expriment par leur bouche une exaspération et une demande d’alternative qui dépassent assez largement les rangs de leurs cortèges. Ils forment en cela les premiers grondements de sociétés épuisées par trois années d’une crise économique sans égale depuis longtemps.
En France même, le mouvement des Indignés compte encore peu de représentants et la campagne électorale débutante semble absorber l’essentiel des attentes (ceci expliquant peut-être cela). Mais il a suffi qu’un candidat au premier tour de la primaire socialiste se pose en champion de la démondialisation et de la mise au pas des marchés financiers pour qu’il crée la surprise dans une compétition dont il n’était au départ qu’un outsider parmi d’autres.
Cela ne signifie nullement que le repli sur soi et le protectionnisme soient la solution à tous nos maux, mais plutôt que le rejet de l’ordre qui a prévalu depuis une trentaine d’années est de plus en plus net et partagé. Qui saura l’entendre et y répondre ?
Certainement pas les gouvernements européens actuels. Englués dans les urgences de la crise, ils s’affairent surtout à éteindre l’incendie et donnent souvent le sentiment de courir à perdre haleine après la confiance des marchés plutôt que d’imaginer les contours d’un nouveau modèle de développement. Dire qu’ils manquent d’audace serait pourtant assez injuste. Poussés par les événements, ils se sont assis, ces derniers mois, sur la plupart de leurs convictions : qui les aurait cru capables, par exemple, de se mettre d’accord pour restructurer une bonne partie de la dette grecque ? En réalité, ils manquent surtout de vision à long terme.
Or, quand on examine de près les solutions à la crise actuelle, quand on pèse les avantages et les inconvénients de chacune d’entre elles – c’est l’exercice que nous vous proposons dans le dossier spécial de ce numéro -, on s’aperçoit assez vite que la sortie de crise exigera dans tous les cas une Europe plus ambitieuse, plus solidaire et plus intégrée. Autrement dit, on n’éteindra pas durablement le feu sans changer en profondeur le logiciel européen. D’autant que la crise des dettes souveraines fait un peu oublier d’autres défis, qui ne tarderont pas à se rappeler à notre bon souvenir, à commencer par les défis écologiques.
Car, pendant que l’on s’inquiète des spreads de l’Espagne ou de l’Italie et du taux de croissance de la zone euro pour l’an prochain, les réserves et les équilibres de la planète continuent de se détériorer. Il est de plus en plus évident qu’il faut dépasser nos modèles de consommation insoutenables pour permettre demain à toute l’humanité de vivre dignement. Dans un tel contexte, faire de cette nouvelle Europe le laboratoire d’un modèle de développement porté par une finance remise à sa juste place et plus soucieux de l’environnement, serait sans doute de nature à réconcilier les plus indignés de nos concitoyens avec l’intérêt de la politique.
Pour lire le texte original, on va sur le site d’Alternatives Economiques
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