L’auteur invité est Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au Devoir.
La création par Ottawa d’un régime complémentaire de retraite pour les salariés sans couverture et les travailleurs autonomes aurait pu représenter un progrès énorme. Malheureusement, le modèle retenu, qui sera géré par les institutions financières, comporte trop de failles pour ne pas mériter critiques… et corrections.
Dans son dernier budget, le ministre québécois Raymond Bachand annonçait la création prochaine d’un nouveau régime d’épargne-retraite pour les travailleurs qui ne participent à aucun régime complémentaire. La démarche faisait suite à plusieurs mois de discussions entre Ottawa et les provinces.
Plusieurs solutions avaient été envisagées, dont la plus universelle qui aurait exigé qu’on bonifie le Régime des rentes du Québec auquel tous les employés, mais aussi les employeurs, doivent contribuer. Cela aurait eu comme avantage de garantir un montant de base plus élevé pour tous, quelle que soit la conjoncture, sans passer par les banques. Or, tant pour Québec que pour Ottawa, il n’était pas question d’imposer une «charge» supplémentaire aux entreprises alors que «la situation économique est encore fragile». Prétexte facile puisque, quelle que soit la formule, sa mise en vigueur exigera quelques années.
Le projet de loi présenté la semaine dernière à Ottawa met la table pour la création de régimes collectifs dans les entreprises de compétence fédérale, mais aussi pour l’adoption de règles semblables pour les compagnies qui relèvent des lois provinciales. Une fois que ce projet de loi sera adopté, Québec pourra aller de l’avant avec son propre Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER).
Sans connaître tous les détails des deux formules, nous savons que le régime fédéral sera complètement volontaire, c’est-à-dire qu’il n’obligera aucune entreprise à participer et à inscrire ses employés. Chez celles qui le feront, c’est à l’employeur qu’il reviendra de fixer le taux de cotisation et de choisir l’institution financière qui fera fonction d’administrateur.
Quant aux salariés, ils auront le choix de participer ou non là où le régime existe, de choisir le type de fonds d’investissement qui répond à leur tolérance au risque, mais là s’arrête leur rôle.
Comme il s’agira de caisses regroupant plusieurs entreprises, on promet des frais peu élevés. Mais pour ce qui est des rendements, tout dépendra du marché et… de la performance des gestionnaires embauchés par les institutions financières. Facile de se convaincre des limites d’un tel régime qui n’offre aucune assurance minimale pour la retraite, où l’employeur prend toutes les décisions sans avoir à verser un cent à la caisse!
À la différence d’Ottawa, le projet du Québec parle d’obliger toutes les entreprises qui n’ont pas déjà une caisse collective à offrir un RVER et à y inscrire leurs employés. Libre à ceux-ci d’en sortir. Mais, là encore, pas question de forcer les entreprises à contribuer à la caisse, comme si la retraite était devenue une affaire purement personnelle en ce pays.
Maintenant que le choix du modèle est arrêté, il faudra s’attarder aux détails. Car non seulement le diable s’y cache, mais le voilà aussi en compagnie des banques qui, sans prendre de risque ni fournir aucune assurance de rendement, retireront des milliards en frais de gestion d’un programme taillé sur mesure par nos gouvernements. Du vrai gâteau!
On trouve le texte original sur le site web du quotidien Le Devoir
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