Les institutions financières collectives sont au cœur du modèle québécois de développement. Créées dans la foulée de la révolution tranquille ou à l’occasion de la « modernisation partenariale » du modèle, au tournant des années 1990, ces institutions ont permis à l’État québécois et aux mouvements sociaux (syndical, coopératif et communautaire) d’initier des stratégies de développement innovatrices. Dans un contexte de crise profonde, nous voyons aujourd’hui les syndicats français questionner le rôle de leurs institutions publiques pour le développement des entreprises.

OikosBlogue vous présente une entrevue de Jean-Christophe Le Duigou réalisée par le magazine Challenge.fr. Jean-Christophe Le Duigou, ex-inspecteur des impôts et secrétaire du syndicat explique l’objectif de la CGT lorsqu’elle propose la création d’un pôle financier public : mettre en réseau les structures créées pendant la crise et les établissements financiers publics.

Est-ce la crise économique qui pousse la CGT à proposer la création d’un pôle financier public ?

- Oui, ce pôle répond à l’urgence sociale créée par la crise. Le rapport de l’OCDE du 24 juin montre que l’économie repartira en 2010, sauf en Europe, car les plans de relance sont moins importants. Le pôle public -une idée sur laquelle nous travaillons depuis plus de deux ans- serait un moyen de bâtir une vraie stratégie de relance.

Demandez-vous un apport financier de l’Etat ?

- Non, pas du tout. Nous ne voulons pas non plus une banque publique ou semi-publique. Nous tirons les leçons du passé. Nationaliser pour privatiser peu de temps après ne sert à rien. Nous voudrions que ce pôle autonome mette en réseau les structures créées pendant la crise comme le Fond stratégique d’investissement, la Société de prise de participation de l’Etat et la Société de financement de l’économie française (qui garantit 320 millions de prêts aux banques) avec des établissements financiers où la puissance publique joue un rôle (Banque de France, Caisse des dépôts, Banque postale, Oséo, UbiFrance, Coface etc). Il faut apporter de la cohérence et de l’efficacité dans ce système.

Est-ce une demande du terrain ?

- Oui, en ce moment, et comme beaucoup d’autres, l’entreprise de fonderie du Morbihan, SBFM, sous-traitante de Renault et de Peugeot, se plaint du manque d’interlocuteur collectif pour répondre à ses besoins de financement. Certaines font face à quinze interlocuteurs… Oséo essaie bien d’articuler les financements publics et privés, mais il faut aller au-delà. Le médiateur du crédit, lui, plaide des dossiers particuliers auprès des banques. C’est le brancardier. Nous, nous voulons une politique de santé publique, axée sur le besoin de financement des filières et des bassins d’emploi.

Comment interviendrait ce pôle ?

- Il aurait trois modes d’action: la distribution de crédit, l’apport d’aides et de garanties et la participation au capital des entreprises en difficultés. Les salariés auraient une possibilité de saisine en cas de souci de financement de leur société.

Ce pôle permettra-t-il à une entreprise d’obtenir plus facilement un prêt ?

- Oui, le pôle apporterait un cofinancement public qui pourrait inciter une banque à débloquer un prêt. Il y a en France tellement peu d’influence publique sur la distribution de crédit, contrairement à l’Allemagne.

Pour la CGPME, c’est un faux problème, les crédits aux entreprises baissent car elles n’en demandent plus, faute de commandes…
- C’est l’histoire du serpent qui se mord la queue. La baisse des commandes vient en partie de l’effondrement de l’investissement, d’où le besoin de le relancer.

Votre proposition trouve-t-elle un écho favorable du côté du pouvoir ?
- Cette idée s’oppose aux choix libéraux faits jusqu’à la crise. Mais, aujourd’hui, je sens un intérêt. La création du Fond stratégique d’investissement montre que nous sommes écoutés, pourtant l’Etat ne va pas au bout de notre démarche.

Propos recueillis par Dominique Perrin, journaliste à Challenges.

Note : la proposition de la CGT a été prise en réaction à l’annonce par le Président de la République, le 20 novembre dernier, de la création d’un Fonds Stratégique d’Investissement destiné « à renforcer les fonds propres et à stabiliser le capital des entreprises françaises ». Pour prendre connaissance de la position officielle de la CGT, lire le communiqué OUI À UN PÔLE FINANCIER PUBLIC DÉDIÉ A L’INVESTISSEMENT D’INTÉRÊT GÉNÉRAL ET DE LONG TERME !