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Le samedi 23 avril 2022

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Un pacte inutile et dangereux dont il faudra contourner la logique

L’auteur invité est Christian Chavagneux, journaliste d’Alternatives Economiques.

Au petit matin du 9 décembre, 23 pays européens se sont entendus pour créer une « union de stabilité budgétaire ». Un accord budgétaire inefficace pour mettre fin à la crise actuelle et dangereux pour l’avenir de l’Europe. Sauf à trouver les moyens de contourner ses règles.

Sans surprise, le nouveau traité que veulent mettre en place les 23 pays s’appuie sur les désastreuses idées germano-françaises du début de la semaine.

La règle d’or : acceptable avec beaucoup d’impôts

Les pays devront inclure dans leur constitution une règle budgétaire indiquant que le budget de l’Etat doit être toujours à l’équilibre ou excédentaire, c’est-à-dire que le « déficit structurel » ne devra pas dépasser 0,5 % du PIB.

Il faudra attendre les détails de la règle française, qui ne sera élaborée qu’après les présidentielles, pour juger complètement du degré de contrainte qu’elle imposera. Celle votée en Allemagne indiquait qu’à partir de 2016 le déficit budgétaire ne devra pas dépasser 0,35 % du PIB potentiel (celui qui correspond à une utilisation maximale du capital et du travail sans créer d’inflation). Cette règle n’autorise un creusement des déficits dits structurels (qui ne sont pas liés à la conjoncture) qu’en situation de crise.

Ce genre de règle s’appuie sur la notion de « solde structurel » qui fait plaisir aux économistes mais dont le calcul pratique est loin d’être évident, pour ne pas dire impossible, surtout après des périodes de crise comme celles que l’on connaît depuis 2007. Bon courage aux experts de la Commission qui devront dire si tel pays est bien dans les clous ou pas. Ils ont intérêt à bétonner techniquement leurs avis car ils seront scrutés à la loupe. Il est malheureusement à craindre que comme aucun consensus ne sera possible sur le sujet, l’idéologie du moins d’Etat actuellement en vigueur à la Commission prime.

Et qui décidera, et à partir de quel critère, que l’on est dans une situation de crise qui autorise de ne pas respecter la règle ?

La Cour de Justice européenne pourra donner son avis sur la façon dont chaque pays a élaboré sa propre règle. Chaque pays devra ensuite envoyer un calendrier à la Commission pour indiquer comment il va atteindre l’objectif. Pour la suite, chaque pays devra envoyer ex ante à la Commission son calendrier d’émission de dette qui sera donc également surveillée.

Désormais, pour l’Europe, tout déficit et tout endettement public est mauvais par principe, même s’il s’appuie sur une politique d’investissements publics efficaces mais dont les retours sont forcément lents. Comment financer une véritable transition écologique dans ce contexte ? Ce pacte condamne l’avenir de l’Europe qui ne pourra pas simplement s’appuyer sur les initiatives privées.

Il faut donc trouver un moyen de le contourner. Sinon, compte tenu de l’état actuel des finances publiques européennes, il faudra attendre de longues années avant de pouvoir lancer toute politique publique, d’autant plus que tous les pays européens vont dans le même sens de l’ultra austérité. Pour éviter cela, il faudra passer par une politique de surfiscalisation des revenus élevés (http://www.voxeu.org/index.php?q=node/7402 une étude récente montre par exemple que le niveau optimal de taxation des très riches aux Etats-Unis est de 80 %) et des grosses entreprises tout en réduisant les niches fiscales, afin de mobiliser les recettes budgétaires nécessaires aux investissements publics essentiels pour l’avenir du continent. Paradoxe de ce nouveau traité de droite, ce pacte ne peut fonctionner que dans le cadre d’une politique de gauche de forts prélèvements. Ce sera intéressant de voir la réaction de la Commission devant un tel programme…

Un fonds monétaire européen armé d’un pistolet à eau

Pour lutter contre les dérapages des marchés, le Mécanisme européen de stabilisation démarrera dès 2012 pour succéder au FESF. Mais il n’aura que 500 milliards d’euros à disposition, pas assez pour contrer une spéculation de marché contre les dettes souveraines.

Les Européens ont eu en 2010 la bonne idée de créer un fonds commun pour lutter contre les paniques des marchés. Mais à force d’atermoiements, ils finissent par en faire une petite institution ridicule. Et ce n’est pas le fait de permettre en cas de panique exacerbée un vote la majorité qualifiée de 85 % des membres pour débloquer les fonds qui change grand-chose. Même si on peut dégainer plus vite, un pistolet à eau reste un pistolet à eau.

Les banquiers protégés, le mauvais populisme encouragé

Là encore, en juillet et octobre dernier, les Européens avaient ouvert une bonne piste en reconnaissant la possibilité de défaut de la Grèce. Ils auraient du annuler 60 % de la dette grecque dès le printemps 2010, mais bon, la voie qui a permis, depuis l’Antiquité, de régler les crises de dette à savoir l’abandon partiel des créances, était ouverte. Elle est refermée.

Les conséquences sont simples et directes : à la prochaine crise, seule l’ultra austérité sera mise en avant, pas d’allègement du fardeau de la dette. Or, ces politiques d’ultra-rigueur plombent la croissance et la possibilité de rembourser les dettes. Une belle recette pour favoriser tous les discours populistes, de droite comme de gauche, qui, des extrêmes des deux bords, migreront très vite vers les partis traditionnels pour dénoncer la dette et les créanciers, surtout s’ils sont étrangers. Quand on n’organise pas une réduction ordonnée des dettes, elles finissent par s’imposer dans la violence.

En engageant cette voie, les dirigeants européens portent une lourde responsabilité historique. Leur « union budgétaire » ne prévoit aucun transfert pour aider les pays en difficulté, n’engage aucune politique commune de croissance, ne met pas en commun les ressources des Etats pour maîtriser les marchés et ne demande pas aux banques de porter une partie du fardeau de l’ajustement. C’est une politique mortelle pour l’Europe.

Pour lire le texte original, on va sur le site d’Alternatives Economiques

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