L’auteur invité est Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au Devoir.
Il est de bon ton de montrer du doigt la fonction publique chaque fois qu’il est question de déficit et d’impôt. Pourtant, l’expérience nous apprend qu’il y a un prix à payer pour faire trop de place au privé en matière de services publics. Un prix parfois plus élevé que celui d’une fonction publique compétente.
Dans un sondage commandé par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante en prévision des consultations prébudgétaires, la première mesure proposée par les patrons pour «redresser les finances publiques» du Québec est de «réduire les salaires et avantages des fonctionnaires». Pourtant, les employés du secteur public ne trônent plus en haut de la liste des salariés les mieux rémunérés.
D’accord, les «permanents» ont la sécurité d’emploi. Mais c’est aussi le cas dans la plupart des entreprises d’une certaine taille. N’importe quel patron vous dira qu’il est presque impossible de renvoyer des employés, même pour raisons disciplinaires, à moins de leur verser beaucoup d’argent ou… de fermer boutique.
Il est aussi vrai qu’au début des années 80, il y a donc trente ans, les fonctionnaires jouissaient de conditions supérieures au marché. Mais, aujourd’hui, seule la catégorie des employés de «services» profite d’une avance. Les autres (professionnels, techniciens, employés de bureau, etc.) sont, au mieux, à parité avec l’ensemble du privé, syndiqués et non-syndiqués, au chapitre de la rémunération globale qui inclut les salaires, le temps chômé, les retraites et autres avantages.
Il y a trois exceptions notables: les sociétés d’État, comme Hydro-Québec et la SAQ, où l’avance est de 28 % par rapport à la fonction publique et au secteur privé; les universités (+26 % en excluant les professeurs); et les municipalités (+42 %). Des groupes où l’on n’a jamais tenté sérieusement de corriger les écarts, que ce soit par laxisme ou en raison de l’absence de rapport de force.
Ces groupes mis à part, quels salaires seraient trop élevés dans le secteur public québécois? Ceux des éducatrices, des travailleurs sociaux, des préposés aux malades, des techniciens en informatique, en radiologie et en soins infirmiers? Ceux des ingénieurs et des juristes que le privé s’arrache au double de leur salaire? Ceux des professeurs et des médecins que François Legault propose d’augmenter? À moins d’éliminer carrément ce qui nuit à la «création de richesse», comme le ministère de l’Environnement? Ce n’est quand même pas en déplaçant les conseillers pédagogiques et les secrétaires des commissions scolaires vers les écoles que l’on va réduire la taille de l’État!
Affirmer avec les patrons qu’il faudrait sabrer le secteur public sans fournir de solutions de remplacement crédibles tient du préjugé, voire de l’obsession idéologique. On l’a vu sous Lucien Bouchard alors que tous les employés mis à la retraite à grands frais ont dû être remplacés. Et plus récemment avec la réingénierie Charest: n’est-ce pas le Conseil du trésor lui-même qui nous apprend que l’embauche de 1000 fonctionnaires au Transport fera économiser 34 millions de dollars nets par année?
La révolution, si révolution il y a, ne viendra pas d’un illusoire grand ménage au sein de la fonction publique et parapublique, mais d’une multitude de gains de productivité parfois modestes obtenus, par exemple, grâce à des réformes qui font en sorte que l’argent suive la clientèle et non plus l’institution.
Pour lire le texte original, on va sur le site du quotidien Le Devoir
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