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Le samedi 23 avril 2022

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Le nouvel enjeu de la coopération internationale : le marqueur écologique

Vision mondiale entreprend régulièrement comme bien d’autres ONG des campagnes de soutien pour lutter contre la famine en Afrique ou les inondations au Pakistan ou un tremblement de terre en Haïti. L’aide humanitaire entre à nouveau avec force dans l’espace public d’autant plus que les « catastrophes dites naturelles » sont de plus en plus récurrentes, voire extrêmes. Le secours d’urgence tend donc à prévaloir de plus en plus en brouillant le travail de développement qui agit sur les causes réelles de ces drames. On y va d’un don d’autant plus qu’on croit à des phénomènes de caractère accidentel (le temps des fêtes est ainsi particulièrement propice à ce genre de promotion). Bref, les famines, sécheresses et inondations semblent nous tomber dessus comme une fatalité. Peut-on sortir de ce dilemme dans lequel nous enferme cette aide liée aux catastrophes ?

D’abord on est un peu surpris de voir que certaines ONG de développement s’orientent de plus en plus vers le secours d’urgence et, à l’inverse, que des ONG d’urgence (comme Vision mondiale, ONG confessionnelle pentecôtiste) se présentent comme « des organisations de solidarité internationale qui luttent contre toutes les formes de pauvreté et d’injustice à travers des programmes d’aide humanitaire d’urgence, de développement et des actions de plaidoyer » (publicité de Vision mondiale parue dans La Presse du 23 juillet 2011). On croit rêver ! Le problème, c’est qu’on ne prête pas attention au fait qu’il y a plusieurs conceptions du développement des communautés, de la lutte contre la pauvreté, de la justice sociale et plusieurs formes d’intervention d’urgence, de développement et de plaidoyer. Et elles ne vont pas toutes dans la même direction. Dans un billet parut en décembre sur mon carnet de l’UQO, j’ai tenté de démêler les choses à partir de l’histoire des organisations de coopération internationale (OCI) des années 60 à aujourd’hui, riche d’enseignements à ce propos. Mais aujourd’hui je désire revenir plus spécifiquement sur l’enjeu du marqueur écologique dont j’ai déjà parlé sur OikosBlogue.

Un certain nombre d’OCI n’hésitent pas à « surfer » sur le misérabilisme et à aiguiser les émotions en lieu et place d’une éducation à la solidarité Nord-Sud. D’autres cependant veulent influencer l’agenda des institutions internationales et des États en affichant une autonomie de vision et de pratique. Elles refusent la logique de subordination aux conditionnalités posées par les pouvoirs publics, logique qui a conduit certains organismes de coopération à n’apporter au Sud que des réponses techniques sans se mêler des enjeux politiques. Dans un contexte où les Etats sociaux, partout au Sud, sont à reconstruire, le travail structurant en matière de coopération internationale consiste à s’organiser dans des secteurs qui ont des impacts sur les politiques de développement au lieu de se laisser prendre au jeu d’un travail uniquement technique et humanitaire qui ne remet en cause ni les paradigmes conservateurs de l’appui public au développement, ni le fondement des inégalités.

Dans la situation actuelle de raréfaction des ressources dédiées à la coopération internationale, la tentation est grande pour certaines OCI de développer des stratégies de survie au prix d’un renoncement partiel ou total à leur identité fondatrice. Sous prétexte d’un resserrement du financement public et d’une professionnalisation du dispositif d’intervention, l’engagement citoyen cède la place à la technocratie, la marge d’innovation se restreint et les valeurs démocratiques et de justice sociale se perdent au nom du réalisme. Avec le résultat que les populations censées être bénéficiaires de cette coopération passent du statut de partenaires à celui de simples clients.

Au Québec, nombre d’organisations ont assez bien compris que la mondialisation en cours obligeait à multiplier les échelles d’intervention pour passer du travail d’organisation au plan local à l’action à l’échelle internationale. Les politiques actuelles du gouvernement fédéral, principal levier de la coopération avec le Sud, force cependant toutes les OCI à se reconfigurer parce que le financement public est de plus en plus sélectif. D’autre part, la crise écologique les force à se poser de front la question suivante : comment réinventer l’économie, au Nord comme au Sud, et l’orienter vers un type de société qui entend non seulement être porteuse de justice économique et sociale mais également respecter les équilibres écologiques ? L’économiste Jean Gadrey résume fort bien la chose en disant que « nous assistons à la première crise socio-écologique du capitalisme financier et boursier, la première où la raréfaction des ressources et les dégâts écologiques ont eu une influence sur le plongeon économique ». L’illustration par excellence de cette situation est l’organisation mondiale de la production d’énergie basée sur le pétrole et les combustibles fossiles par un système de subventions et d’allégements fiscaux qui empêche les pouvoirs publics de réorienter leurs priorités vers les énergies renouvelables. Bref, l’urgence écologique nous semble en passe de devenir une question plus décisive, celle qui est en voie d’en structurer bien d’autres… À suivre.

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