Le gouvernement du Québec a annoncé en décembre dernier, deux jours après la décision du fédéral de se retirer illégalement du Protocole de Kyoto, qu’il allait définitivement de l’avant avec la première étape d’un système de plafonnement et d’échange de crédits de carbone. Ainsi, à partir du 1er janvier 2013, les grandes entreprises se verront imposer un plafond de pollution, conditions nécessaires à la mise en place d’une bourse des crédits de carbone.
Dès l’entrée en vigueur de ce plafond, les entreprises plus vertes pourront vendre des crédits d’émission de gaz à effet de serre aux entreprises plus polluantes. En tout, 75 grandes entreprises seront directement affectées (des alumineries, des cimenteries et des minières, en plus d’Hydro-Québec) parce qu’elles émettent chacune 25 000 tonnes de GES ou plus par année. Puis en 2015 les distributeurs de carburants devront aussi se soumettre à un plafond d’émissions. Le prix de base pour les crédits a été fixé à 10 $ par tonne de GES. Dans la mesure où le plafond sera abaissé à chaque année (jusqu’en 2020), le prix de la tonne devrait augmenter. Mais cela reste bien théorique. Si les permis émis sont trop généreux, les prix vont immédiatement s’effondrer, comme cela s’est passé dans l’Union européenne. Ou encore, si la folie des financiers et des gouvernements conservateurs nous entraîne dans une dépression, c’est certain que le prix de la tonne de carbone ne s’élèvera pas très haut. En Europe, dans le contexte que l’on connaît aujourd’hui, le prix est tombé à 7,68 euros !
Contrairement à ce qu’annonce la Presse canadienne, la Californie n’est pas le seul autre État nord-américain à créer un tel système de plafonnement et d’échange. Le Québec et la Californie sont effectivement les premiers à mettre en oeuvre ce type de règlement dans le cadre du Western Climate Initiative (WCI), mais il existe aussi une autre démarche, bien que différente, de bourse carbone. Selon une étude récente, le système de plafonnement et d’échange de crédit carbone créé en 2008 et connu sous le nom de Regional Greenhouse Gas Initiative (RGGI), au nord-est des États-Unis, aurait créé 3 800 emplois et généré des activités économiques de 500 millions $ dans le seul État du Massachussetts depuis 2008. Parmi les 10 États participants (les 9 autres États sont : Connecticut, Delaware, Maine, Maryland, New Hampshire, New Jersey, New York, Rhode Island et Vermont), c’est le Massachussetts qui a connu le plus de succès dans la mesure où il a réinvesti toutes les sommes d’argent recueillis dans le cadre du RGGI pour financer un programme actif d’efficacité énergétique. Globalement, le système a récolté un peu plus de 900 millions $ pour l’ensemble des participants et a généré 1,6 milliards de retombées, dont la création de 16 000 emplois.
Malgré cela, je ne surprendrai personne en signalant que les milieux d’affaires sont contre le projet du gouvernement du Québec. Ils sont toujours contre les mesures progressistes. Mais ce qui est inquiétant c’est que le gouvernement a prévu un mécanisme pour récompenser les entreprises qui ont amélioré leur bilan environnemental depuis 2008. Ça pourrait annoncer qu’il sera très ‘libéral’ dans la distribution des permis. Dans le communiqué de presse qui a suivi l’annonce, Équiterre s’est engagé à analyser la mise en place du système, étant donné que la première version comprenait certaines faiblesses (trop de mécanismes de flexibilité ou d’échappatoires pour certains secteurs, dont celui du transport). L’organisme est par exemple déçu de voir que le secteur des transports, la plus importante source d’émissions de gaz à effet de serre au Québec, reste épargné jusqu’en 2015.
Il n’y a pas de doute, cette initiative de bourse carbone est, en soi, une bonne chose. Mais comme c’est souvent le cas avec ce gouvernement, les apparences sont souvent trompeuses.
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